Guyane 2024: « le monde est dans ma tête, mon corps est dans le monde »
Revoir mon petit « papier » de 2015 sur la synchronicité, pour d’obscures raisons, il semble intimement liée à ce que nous vivons dans nos voyages actuels…
Quelques notes d’oiseaux et au delà….
Arrivé de France en Amazonie, chez Malick 15 avril 2024.
Dans le nouveau verger, les merles leucomènes chantant et les merle à lunette miaulant, les troglodytes, les tyrans quiquivi et les tyrans pirates, les passages matinaux et vespéraux d’amazones, les tangara des palmiers, évêques et bec d’argent, une chouette à lunette un matin au PDJ à l’aube, des colibris…on peut s’attendre à une augmentation des observations du fait de la plantation d’un magnifique verger dans le jardin de Malick et Loriane!
Dans Cayenne, autour de la place des amandiers, des tourne-pierres à collier et des merles quiscales picorent les miettes sous les tables ( normal pour les merles mais pas du tout pour des tourne pierres à collier qui se respectent) sur la digue de l’ancien port, observations du passage, de plusieurs bandes importantes de bec en ciseaux et plus près dans la vase des bécasseaux minutes
-Au bout d’une semaine, petit séjour de quatre jours à camp Caiman sur la montagne de Kaw,
Accueil en fin d’après midi par un groupe de milans à queue fourchue qui virevoltaient au dessus de la grande clairière en poussant leurs crix aigus caractéristiques, au moins 6 ou 7 oiseaux….des tyrans de Cayenne dans la clairière, de nombreux tangara bec d’argent
-Lundi 28 avril : Passage sur la plage se Kourou, groupe important de bécasseaux.
Arrivée chez nos amis apiculteur : observation dans une mare devant la maison d’un chevalier solitaire. Quelques caciques cul jaune, des tyrans,quiquivit’ et des tyrans pirates, des tangaras bec d’argent dont une femelle d’un beau marron foncé luisant devant la maison.
Mardi 30 avril Sinnamary :
, Au réveil, pas encore entendu les Paracous ( Ortalides) mais vu une flopée de colombes rousses, installées sur le grillage du poulailler, à 100 m devant nous. Derrière la maison on entend la plainte monotone ressemblant un peu au cri de la chouette hulotte derrière la maison. À Camp Caiman, il y avait une colombe à front gris à 2 m derrière le Carbet, un nid de colombe à front gris avec deux œufs blancs. C’était très gênant, car dès qu’on s’approchait de la rambarde, on faisait fuir la colombe.
Nombreux troglodytes, tyrans cricrivi, tyrans pirates, tangaras…et le cacique cul jaune de service.
A Sinnamary, nous avons retrouvé Michel le surinamais qui fait les espaces verts chez notre apiculteur, le réflexe linguistique Sranan Tongo ( lingua franca du Maroni et du Surinam fonctionne encore assez bien après 15 ans. Te mi luku a wagi pasi, mi denki….a de Henri kon baka! O meni langa Yu o fica ? Wan wiki, tu wiki?…..Mi o fica kande wan wiki nanga afu !
( quand j’ai vu la voiture passer j’ai pensé : c’est henri qui revient ! Combien de temps vas-tu rester ? ? Une semaine deux semaines ?… Je resterai peut-être une semaine et demie !
Michel est né, a grandi au Surinam, a vécu avec son épouse Surinam, lui a fait 6 enfants, le couple s’est en suite séparé, il a de grands enfants en France et d’autres aux pays bas…il a trouvé du travail à Sinnamary, a fait de nouveau 4 enfants avec 4 femmes différentes, il vit avec la dernère et un petit de 6 mois à la sortie ouest de Sinnamary direction Iracoubo, il n’a que 46 ans, il peut encore faire un bon reproducteur….je plaisante évidemment, je lui ai dit: « Mais c’est bien compliqué cette vie, tu ne trouves pas? IL m’a répondu: « Moi je ne voulais pas tout ça, simplement rester avec ma femme, mais c’est le bon Dieu qui l’a voulu!
Les femmes ont elles abusé de Michel, ou est ce l’inverse?….Dieu seul le sait!
En attendant j’ai bavardé un peu ce matin à la pharmacie de Sinnamary…plus de médecin depuis le départ de l’unIque, l’irremplaçable Dr Caut qui à 70 ans solidement dépassé a estimé qu’il n’avait plus à travailler tous les jours jusqu’à 21 h, six jours sur sept ( attention la pause méridienne de trois heures est toujours repectée). Un arrangement temporaire à été fait avec l’hôpital de Kourou à 95km , des vacations de médecins hospitaliers du lundi au vendredi ( je précise qu’il n’y a pas non plus de médecin à Iracoubo dans l’ouest….il faut aller sur cette nationale 1 qui court dans la savane jusquà St Laurent du Maroni à 150km )
Je me suis fait proposer évidemment la place par la pharmacienne, j’ai invoqué mes diverses études en cours …..et accessoirement mon âge, arguments non retenus vu l’impérieuse nécessité !
Le pont Bailey ancestral est remis à neuf, magnifique, offre un merveilleux point de vue sur cette charmante commune.
1 mai 2024: tous les matins du monde
Réveillé à l’aube ( 5h 45 ) par l’appel vif et bien caractéristique de l’engoulevent pauraqué qui m’a fait sauter du lit, chercher mon caleçon et mes jumelles pour courir dehors décemment vêtu!
L’aube naissante me fit alors cadeau d’un échange vif entre deux petits chœurs forts éloignés de Parakous ( Ortalides), soutenu par la basse continue des troglodites, des tangaras, des colombes….Vers 7 heures , passée l’entracte du petit déjeuner, alors que je déambulais rêveusement sur l’allée qui passe juste derriére notre maisonnette, un duo d’appels brefs et répétitifs ( comparés par certains à des éclats de rire) se fit entendre de façon impromptu, j’étais juste sous l’arbre où se trouvait l’un des solistes « Macaga rieur » ( un petit rapace aux yeux barrés par un masque noir, toujours perché à l’affût sur une branche peu élevée d’où il se précipite sur de petits serpents).
Mais déjà le soleil était monté à sa hauteur de sept heures et demie et la nature entière vaquait à ses affaires ….
Nous avons déplacé notre site d’observation à quelques kilomètres vers l’ouest dans la savane, près d’un accès aménagé au bord d’un petit affluent de rive gauche de la rivière Sinnamary: la crique Toussaint. Là se trouvait déjà une charmante famille créole, le papa s’occupant d’un petite feu d’écorces et d’herbes pour chasser les moustiques, la maman sur le fond sablonneux d’une eau naturellement couleur « cola », deux fillettes et le garçon de 16 mois.
Ce dernier est affublé d’une impressionnante chevelure pour son âge : « On raconte ici qu’il ne faut jamais couper les cheveux d’un bébé garçon avant qu’il ne sache parler ( la tradition ne précise pas le niveau de langage requis avant la tonte, mais cette brave femme étant institutrice à Sinnamary on peut présumer que cette opération attendra …..le temps qu’il faudra! ). L’institutrice me montre alors sur le fond sablonneux de la crique, des paillettes de mica, colorées en jaune par cette eau couleur coca : « on appelle ça ici des caca soleil »
Avertissement savoureux pour certains sots qui voudraient y voir des paillettes d’or….
C’est alors qu’un martèlement se fit entendre au sommet du grand arbre qui trônant au centre de la petite clairière, juste le temps de braquer mes jumelles, un gros pic à la tête rouge vif, le corps noir avec sur le dos une double barre blanche ( deux pics possibles ….le pic de Malherbe ou le pic de Cayenne…..)
2 mai 2024 …d’après mon téléphone car on est un peu hors du temp ici….il est 15h, la grand pluie vient de cesser un peu, j’entends le miaulement d’un….merle à lunettes. Réveillés ce matin à 6h ( on se couche vers 20h, dodo avant 21h) par la plainte faible d’un petit Tinamou, après une nuit bercée par de fortes averses, j’ai fait quelques pas dans l’allée, croisé Bruno l’apiculteur assez taciturne mais sympa qui arrivait d’un pas leste, pieds nus en short promenant son chien, me criant au passage et me montrant l ‘est: « attention ça arrive » et cà arrive toujours forcément par l’est, et toute l’année vu le sens de rotation de la terre, les alizés ont poussés des dizaine de millions de migrants européens à la conquête ( sabre et goupillon) des amériques…et comme les habitants d’origine, fortement échaudés ne suffisaient pas à fournir de la main-d’oeuvre on a même « invité » des africains à venir participer au développement de ce qu’on appelait le nouveau monde !
Bon, j’en ai profité pour sortir ma flûte, et vers 10h30, on fait petit tour au bourg.
Je passe à la mairie demander les jours de marché et les horaires des messes, la femme au guichet qui semble apprécier mon zèle clérical commence à bavarder, je lui parle de cet individu rencontré hier devant le pont; grand maigre, assez jeune, les yeux creux et tristes, très noir de peau mais pas le noir des noirs, celui des indiens du sud de l’Inde, en guenilles avec un petit sac à dos, parlant un anglais peu compréhensif…Elle me dit: » Ah oui, je vois, c’est un jeune qui traine depuis un moment, au début il était avec les pécheurs, mais il ne fait plus rien, il demande de l’argent, il ne faut pas lui en donner, il se drogue sûrement, sa famille est venu du Surinam pour le chercher mais il n’a pas voulu partir.
Intrigués on a été faire un tour au petit port de pêche où trônaient amarrées bords à bords quelques tapouilles. J’avais vraiment du mal à comprendre la langue qu’utilisaient les marins présents, je me suis adressé à un homme de peau créole assez claire, cheveux crépus, grisonnants, John parlait anglais, il a 59ans, est ici depuis des années ( it’s m’y native language) il vient du Guiana, Georgetown, y retourne de temps en temps par divers taxis…tous les marins de Sinnamary sont du Guiana, ils parlent un anglais…creolisé, très dur à comprendre au premier contact, c’est assez différent du Sranan tango du Surinam. On parle des Cathédrales en bois, je lui dit que nous connaissons bien Paramaribo et sa cathédrale en bois, que nous n’avons jamais été à Georgetown mais que nous savons bien que là se trouve : » the world largest wooden cathédral, il acquiesce avec un grand sourire. Nous nous sommes fait un nouvel ami à Sinnamary!
Vendredi 3 mai, petite incursion sur la piste de St Elie, pas jusqu’au bout car un arbre tombė nous arrêta vite peu après l’entrée de la clairière du Carbet communal de Sinnamary! Moment de calme de tranquillité à peine troublée par le cri répétitif et bien caractéristique du toucan à bec rouge, assez commun ici.
Au retour Josepha, notre hôtesse, nous raconte qu’elle a vécu avec Bruno et leur deux enfants tout jeunes, pendant sept ans, dans une petite cabane en bois sur pilotis au bord de la crique Toussaint, que nous avons découverte ces derniers jours, elle décrit ainsi leur vie: » il fallait prendre un petit chemin qui n’allait pas jusqu’à l’eau, on devait continuer à pied avec les bagages, il y avait de grosses fluctuations du niveau de l’eau en fonction de la marée et des pluies, mais Bruno avait fait une marque bien visible sur un pilotis! Si l’eau atteignait cette marque avant la marée haute, cela voulait dire évacuation rapide des lieux…..
Une atmosphère fort apaisante enveloppe ces lieux où nous vivons depuis seulement cinq jours , entre les violentes averses que l’on entend arriver de loin …il demeure toujours des pauses permettant de flâner un peu, loin des tracasseries déplorables du monde….
Henri d’Amazonie