mardi 1 avril 2025

Il était une fois Papa

 Eddie Warmington 22 novembre 1996


Mon cher Dave

 De plus en plus passionnant!  


Je viens de relire ta lettre du 22 octobre à Mr Malvaux ( un ami du Henri qui m’a fait descendre la Loire en ramant en 1944) . J'ai relu également ta lettre du 29 octobre et du 12 novembre et celle que je t'ai envoyé le 2 novembre en essayant de me remémorer nos échanges par téléphone ces cinq dernières semaines.

En tant qu'aumônier de notre RBL, j’ai été occupé depuis le 24 octobre à distribuer des « coquelicots » , récupérer des plaques pour le dimanche du souvenir, distribuer des cartes de remerciements aux points de collectes ( boutiques, bureaux, hôtels…etc), tout en préparant une cérémonie au mémorial de guerre le 10, gérant les habituelles 2 minutes de silence.

Et pourtant, de temps en temps, sans cesse, je me suis penché sur ma carte au 1/100 000 en échafaudant toutes sortes d’hypothèses de navigation pour essayer de localiser ta zone d’atterrissage et ton parcours à pied etc..




Connaissant mon point exact d’atterrissage et la position de la maison des Thomas, j'ai mis en application la méthode reconnue au niveau internationale de Sir Francis Chichester, le fameux pilote d’avant la première guerre mondiale, visant visant à « délimiter ses propres zones de probabilité »

A partir de la route principale nord sud ( départementale 11 entre Le Pellerin et Brains ?) j’ai relevé ta marche estimée à «  3 milles ( 4,83km) vers l’ouest , à partir de ces deux points j’ai estimé tes deux heures de marche à environ 7 km du fait d’un terrain très humide.


( Eddie décrit ensuite dans une énumération assez longue le raisonnement qui lui permet de déduire que  dans le triangle Couéron, canal de la martiniére  et le Pellerin, et le terrain de Château Bougon, son équipier, égaré, dans la nuit, est certainement passé, épuisé et boitant  à cause d’une blessure à la jambe lors du crash du Lancaster, tout près de la ferme des Thomas où lui dormait, bien au chaud! )

….J’en suis arrivé au point où devait se trouver le vignoble où tu es tombé en parachute…une ligne entre ce point et le canal ( de la martinière que Dave a bien reconnu) donne un itinéraire estimé pour ta marche en boitant dans la nuit et la pluie, avec Brains à ta gauche, Le Pellerin à ta droite et très près de moi qui dormait paisiblement dans un lit chaud, dans la maison des Thomas pour ma deuxième nuit consécutive en France. Pourquoi n’as tu pas appelé à cet endroit?

Mais, pris dans l’excitation de pointages de recherches sur ma carte, il reste encore le problème de l’identification du Château ou manoir où tu es tombé aux mains des allemands ( qui t’ont fort bien traité, nourri et soigné en tant que prisonnier de guerre). J’en ai parlé à Henri Dumoulin qui, dans le cadre de son activité risquée au sein de la résistance française, ses contacts clandestins, et associé à Jacqueline Lebrun, organisa pour moi un rendez vous dans un champ, à l’écart de la maison des Thomas, pour mettre au point mon évasion, il connaissait très bien le coin, et surtout une petite hutte pour la chasse aux canards sur Belle Isle  ( une ile de la rive nord de la Loire entre Cordemais et Lavaux ) que nous devions rallier dans le noir comme il était convenu après notre dérive vers l’aval de la Loire, 


Il y a plusieurs château ou manoirs  dans cette zone au sud de la Loire, mais le plus proche, à 2 ou 3 km en arrière de ton tracé , est « Le bois corbeau », avec un bois et un petit lac, tu écris qu’à un moment, tu t’es éloigné d’un pont sur le canal qui était gardé…à gauche ou à droite, et combine de temps avant que tu arrives dans un champ de foin?


Bon, parlons de moi, lors de mon parachutage brutal à la limite d’un vignoble, je me suis foulé une cheville en me tordant la pied dans un trou, en clopinant, j’ai rassemblé les km de soie ondulante ( de mon parachute) et tout mon harnachement , les ai fourrés dans ce trou et ramenée la terre meuble par dessus….je me suis assis jusqu’à l’aube au bord du vignoble puis j’ai grimpé sur un chêne pour me cacher.

Ensuite j’ai appliqué les consignes: « Trouvez une maison isolée, sans ligne téléphonique, observez et attendez que l’homme soit parti au travail, alors approchez vous! » 

J'ai vu une maison isolée, sans ligne téléphonique. De cette maison est sorti un homme qui a regonflé  les pneus de son vélo puis s’en est allé. Pendant que j'attendais j'ai vu passer deux soldats allemands sur une moto et un side-car sur la route passant devant la maison, à  environ 80 m de mon arbre, J'ai vu également deux françaises sur des vélos qui sont passées sur le sentier exactement sous moi dans l’arbre!

Lorsqu’un peu plus tard l’homme de la maison repassa, exactement sous mon arbre, j’eu le sentiment que cet homme était mon contact et l’appelai: «  Messieurs français ! « , il s’arrêta immédiatement, regarda vers le champ de maïs, le vignoble, interloqué! Je criai de nouveau: » Anglais, parachutiste! »

(Ce qui épuisa le peu de français que je connaissais), regardant enfin l’arbre, il parla vite et me fit signe de le suivre vite vers sa maison où je rencontrai sa femme, son fils Jean 14 ans, sa fille Josette 10 ans et sa mère…ils prirent et cachèrent tout de suite ma tenue d’aviateur, me donnèrent des vêtements  de nuit et me dirent de me mettre au lit dans une chambre sur l’arrière avec la consigne, si quelqu’un venait de passer pour un parent malade, sourd et muet!


Moins d’une heure après, une moto repassait et stoppait devant la maison. Un soldat allemand frappa lourdement à la porte et demanda si nous avions vu des parachutistes. Mr Thomas répondit: » Parachutistes? » …oui, il y a eu un raid aérien la nuit dernière et des parachutistes sont tombés ! » Un raid aérien? Nous avons bien dormis toute la nuit! 

Sur ce le motocycliste est reparti ! 

Pendant les 12 jours que j'ai passé dans cette maison j'ai été contacté par le réseau souterrain  j'ai eu un rendez-vous avec Jacqueline puis henri . Quand  le signal du départ a été donné, je suis parti à vélo avec Monsieur Thomas et son fils Jean vers le pèlerin en compagnie de Jacqueline et une autre fille française, on s'est balladé sur le quai du Pellerin où se trouvaient plusieurs dizaines de soldats allemands, j’ai descendu les marches pour monter dans le bateau d’henri , nous avons descendu la Loire….et puis et puis …….

Tu sais Dave, on pourrait en parler comme ça  la journée entière ! 



En 1954, je suis intervenu pour raconter cette histoire  dans un documentaire de 45mn intitulé «  Escape to France » pour la BBC,  

 

 https://m.youtube.com/watch?v=lMgZ62jyPiQhttps://




https://genome.ch.bbc.co.uk/a1c37e182beef7e88a85ff00567bb96e


Traduit de l’anglais après quelques recherches autour du personnage Eddie Warmington ! 


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