Des Fleuves et des hommes
Le reportage Vies en transit, de Ana Aranha, sur l'impact des grands chantiers du Rio Madeira en Amazonie dans l'état de Rondônia au Brésil, fait partie d'un dossier spécial, #AmazôniaPública, de Publica, Agence Publique de journalisme, et sera publié sur Global Voices sous forme d'une série de cinq articles.
Je viens, effectivement de traduire en français trois de ces articles pour Global Voices. Cela m'a permis de prendre conscience des retentissements sur la société brésilienne locale des grands chantiers hydro-électriques sur Le Rio Madeira
.#
http://fr.globalvoicesonline.org/wp-admin/edit.php
En regardant Google Earth, en explorant les liens contenus dans les
textes et en faisant quelques recherches, j'ai pris aussi
conscience des dimensions colossales de ces grands chantiers
Hydro-électriques amazoniens, de leurs retentissements écologiques
et sociaux considérables. On est ici au cœur d'une de ces équation
à multiples inconnues alliant croissance et développement.
http://www.flickr.com//photos/90472800@N02/sets/72157632148652070/show/
Un extrait d'un article paru en 2009 sur le site : "partage
des eaux" vous
donne déjà une idée de l'ampleur gigantesque de cette entreprise :Le complexe hydroélectrique du Rio Madeira est un projet initié par le
gouvernement brésilien pour assurer une partie des besoins
énergétiques du pays. Il s’inscrit également dans le cadre des
vastes projets régionaux visant à faciliter le transport des
produits agricoles ou miniers issus de l’Amazonie.
Le
Rio Madeira est le principal affluent de l’Amazone. Formé par la
confluence de trois rivières descendants des Andes, il s’étend
sur 1 700 kilomètres et son bassin versant couvre près d’un quart
de la région amazonienne : 1,5 millions de kilomètres carrés
répartis entre Brésil, Pérou et Bolivie. Le Rio Madeira est
responsable de 15 % du débit et de 50 %
des sédiments transportés par l’Amazone jusqu’à l’océan
Atlantique.
L’apport nutritionnel des sédiments charriés par le Rio Madeira
est donc critique dans le maintien des systèmes biologiques des
vastes plaines inondables situées le long de ce fleuve et de
l’Amazone lui-même. Le bassin du Rio Madeira abriterait à lui
seul 750 espèces de poissons, 800 espèces d’oiseaux, et une
multitude d’espèces dont la plupart sont soient menacées,
soit
encore inconnues.ces`données
donnent la mesure des enjeux liés à l’annonce il y a quelques
années par le gouvernement brésilien de la construction sur le Rio
Madeira d’un vaste complexe hydroélectrique constitué de
plusieurs barrages.
Dans
le cadre du « Programme d’accélération de la croissance »
lancé par le président Lula en 2007, les travaux ont commencé sur
deux premières centrales situées sur le fleuve : celle de
Jirau, d’une capacité de 3 300 mégawatts, par un consortium
emmené par la française GDF-Suez pour 60% ; et celle de Santo Antonio, située à
proximité de la ville brésilienne de Porto Velho, d’une capacité
de 3 150 mégawatts, par un consortium dirigé par le géant
brésilien de la construction Odelbrecht (17 milliards de dollars US
en 2007, soit plus que les PIB du Paraguay et de la Bolivie réunis).
L’électricité produite sera ensuite acheminée sur plus de 2 000
kilomètres vers les agglomérations du Sud-est brésilien. Deux
autres centrales sont envisagées, l’une proche de la frontière du
Brésil et de la Bolivie et l’autre en Bolivie sur le fleuve Beni
(qui se réunit à la frontière avec le Mamoré pour former le
Rio Madeira). Leur
réalisation fait encore l’objet de discussions entre les autorités
des deux pays, et se heurte à la résistance des populations
locales.
Les
promoteurs de ces projets mettent en avant leur caractère
écologiquement positif : ils permettraient de combler les
besoins croissants du Brésil en électricité, assurant ainsi son
indépendance énergétique sans augmenter pour autant les émissions
de gaz à effet de serre. Plus encore, ces barrages actuellement en
chantier mettraient
à profit les technologies et procédés les plus avancés pour
minimiser les modifications du débit du fleuve et la taille des
retenues d’eau créées. Ces ouvrages à la pointe du progrès ne
seraient que les premiers exemplaires d’une nouvelle génération
de barrages, destinée à se répandre dans la région amazonienne,
où le potentiel hydroélectrique demeure important et où les
communautés locales sont politiquement et numériquement faibles.
Déjà les regards se tournent vers le projet de barrage de Belo
Monte, sur le fleuve Xingu, qui représenterait une capacité de 11
100 mégawatts.
http://www.partagedeseaux.info/article84.html
Et on en arrive à un premier point essentiel de ma réflexion : cette quantité de mégawatts produite sera équivalente à celle produite actuellement par le parc nucléaire français dans la moitié nord de la France.
C'est
colossal, il y a des avantages par rapport à nous et il y a des
inconvénients pour la planète. Les avantages immédiats sont
évidents :Au
Brésil
ces quelques 18 000 méga-watts seront une énergie durable fruit de la
puissance des fleuves amazoniens.
En
France
cette énergie est le fruit de la destruction des atomes
d'uranium, elle est extrêmement complexe à maîtriser, nous savons
le faire, mais nous avons besoin d'un combustible pas toujours facile
à obtenir ( suivez mon regard vers le Niger, voisin du Mali). Ma
génération a vu se mettre en place ce remarquable outil industriel,
elle a profité de cette extraordinaire source d'énergie, mais c'est
la génération suivante, celle de mes enfants et de mes
petits-enfants qui vont devoir affronter le redoutable défi du
démantèlement des vieilles centrales et de l'avenir des
déchets radioactifs.J'ai
le souvenir d'avoir, à 20 ans en 1966, accompagné mon père alors
journalistes à Presse-Océan sur le chantier de construction des
deux réacteurs nucléaires de Saint-Laurent des eaux, ils ont été
mis en service en 1969 et 1971, ils sont tous les deux arrêtés et en cours de démantèlement depuis 1992.
Retournons
au Brésil: Avec
Google earth, On peut facilement observer l'Amazonie, une énorme
tache verte grossièrement circulaire de 3000 km de diamètre. En son
centre Manaus capitale de l'État d'Amazonas, à environ 1000 km au
sud l'état de Rondônia capitale Porto Velho à fait quasiment
disparaître la grande forêt primaire sur la rive gauche, au sud du
Rio Madeira. Avant de m'intéresser à ce fleuve, je n'avais jamais
remarqué combien ce front sud de la grande déforestation de
l'Amazonie était hyperactif. Il est évident que dans la décennie à
venir, ces gigantesques équipements Hydro-électriques sur le Rio
Madeira au sud et sur le Rio Xingu au sud-ouest accéléreront la
déforestation de l'Amazonie. Il y a des risques immédiat pour la
faune et la flore locale, pour la population locale, il y a des
risques plus lointains mais certains pour le climat Amazonien. En
effet tout le monde semble avoir oublié que la circulation de l'eau
dans le bassin amazonien se fait en grande partie en circuit fermé,
L'immense forêt produit une vapeur d'eau qui se condense et retombe
en pluie au bout de quelques heures, De mes années de vie en
Amazonie Française, j'ai le souvenir de ces grosses averses qui
tombaient même en saison dite sêches à partir de 16 ou 17 heures
l'après-midi.
Alors voilà , rien n'est simple car il y a ce pays, le Brésil, une puissance émergente en pleine croissance avec ses 194 millions d'habitants en 2012 ( 3 millions de plus qu'en 2010), qui doit se développer pour assurer à chacun une vie décente. Les présidents Lula et son héritière Dilma ont bien eu quelques hésitations devant les risques de ces projets pharaoniques ( et oui c'est plus important que le barrage d'Assouan en haute Egypte ou celui des Trois Gorges en Chine), mais pouvaient-ils tout bloquer pendant longtemps...je ne le crois pas.!Et pourtant je ne peux pas m'empêcher de rêver à un autre avenir possible pour cette Amazonie que j'aime tant. On pourrait imaginer des essaims de ces centrales « au fil de l'eau » qui ont déjà été expérimentées avec succès en Guyane française. Elles n'ont pas besoin de gigantesques bassins de rétention mais uniquement de discrets canaux de dérivation. Elles ne sont pas capables de fournir beaucoup d'énergie électrique, mais elles sont faciles à multiplier à l'infini et surtout elle ne modifie en rien l'écosystème.
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