samedi 21 juin 2014

Epilogue: Le retour!

Fin des aventures d'Hector Zavala, le jeune chilien que j'ai rencontré  par hasard il y a deux ans dans l'ouest guyanais, alors qu'il était sur le point de continuer son voyage vers le Surinam,  et dont j'ai fidèlement, au fil des semaines et des mois,  traduit le blog en français.

Terres venteuses de l'Argentine et retour au Chili

 L'Argentine m'a étonné, elle s'est révélée un pays fait pour vivre des émotions fortes qu'elles soient positives ou négatives. Ce qui m'a surpris c'est l'extrême beauté de ses lieux touristiques contrastant avec les interminables pampas dans lesquelles on se sent immergé dans la solitude, c'est aussi la qualité de sa population principalement dans la campagne et dans les villes proches de la cordillère, contrastant avec l'apathie des habitants de la capitale. L'Argentine est un pays de forte identité..


Après avoir parcouru la Patagonie avec Alejandra et pédalé sur les chemins du sud du Chili, j'ai pris la décision de rentrer à la maison dans le nord du chili en passant par l'Argentine . Un changement de dollars au  marché noir m'a permis de parcourir ce pays d'une façon relativement économique, cela a été pour moi une bonne façon de terminer mon parcours avec les derniers pesos que j'avais en poche . Je n'avais pas suffisamment d'argent pour le faire par le Chili, alors que le faire de l'autre côté des Andes m'avantageait financièrement.

Je suis entré en Argentine au poste frontière de Cardenal Samore dans la province de Neuquén avec un but précis: faire la route des sept lacs, un parcours merveilleux qui va de Villa la Angostura à San Martín de los Andes au travers du Parc nacional Lanin y Nahuel Huapi.
Je m'immergeai lentement dans cet itinéraire, tour de pédale après tour de pédale, lac après lac, montagne après montagne . Ce parcours était d'une grande beauté. Des montagnes de tous côtés, souvent des lacs reflétant des falaises, soutenaient mon attention, me permettant de jouir de chaque moment . C'est routes sont très connues des touristes et dans les environs de Bariloche, bien connectées avec les principaux points touristiques du pays. Même en dehors de la saison la plus favorable une grande quantité de fourgons ou autres mobil-homes touristiques me croisaient. De même pour les cyclistes nous nous sommes retrouvés pendant les premières journées quelques fois à plus de six...

J'ai décidé de m'arrêter pour me reposer quelques jours à San Martín de los Andes, j'avais besoin d'un break avant de me lancer en direction de Malargüe dans la province de Mendoza, à près de 800 km, un vrai défi, des routes solitaires, des lieux désolé sans rapport avec mon quotidien d'alors.
À cet endroit le trafic des véhicules a commencé à me gêner. Les routes ici ne sont pas rares et peu fréquentées comme en Patagonie et dans le sud du Chili, mais elle sont de basse qualité et surtout sans bordure latérale, ce qui me rendait très nerveux. Heureusement plus je m'éloignais de San Martín de los Andes, plus je m'éloignais des zones à
circulation élevée jusqu'à finalement me retrouver pratiquement tout seul sur la légendaire route 40 de la république Argentine.

Je suis arrivé à Junin de los Andes le jour du vendredi Saint. Une procession de chemin de croix se déroulait dans le parc de la ville qui portait le nom de Via Crucis, une excellente manœuvre pour attirer les touristes dans ce secteur.
J'ai laissé ma bicyclette aux surveillants du parc et en compagnie de plusieurs centaines de personnes j'ai commencé à parcourir cet endroit en essayant de suivre la célébration. Après tout, un fort pourcentage des "latinos" sont croyant qu'il soient catholiques évangéliques ou autre et suivre ces célébrations, c'est chercher à retrouver les racines de l'âme latine.
En direction du nord j'ai commencé à pénétrer dans les vastes espaces solitaires de l'Argentine. Souvent les gens ont peur de la solitude, ça ne leur plaît pas, mais pour ceux qui y sont habitués, elle représente le meilleur moment pour s'immerger dans ses pensées, pour réfléchir. Progresser dans la solitude, m'interroger sur le sens de la vie, voilà un peu ce qui a rempli mes journée à ce moment. Mon grand voyage commençait à se trouver derrière moi , devant il me restait les derniers 3000 km, et pourtant curieusement ce voyage lentement semblait cesser de s'écouler. Mes rapports avec les personnes changeaient , mille et une choses se produisaient pour retarder son terme.
A partir de Junin, j'ai quitté la route numéro 40, les chemins sont devenus magiques. Paysages immenses ( très fréquents en lArgentine) et villages typiques sont devenus habituels au fil des kilomètres. Les arbres aux tons jaunes contrastant avec la couleur cristalline des rivières et la couleur sablonneuse habituelle de la
pampa faisaient ressortir la beauté du lieu...
Les routes étaient étroites, tous les 50 km elle étaient de terre, souvent occupées en totalité par des troupeaux de moutons et de chèvre qui se dirigeaient, surveillés par un gaucho, vers les terres plus basses pour échapper à l'hiver approchant.

Un jour alors que je roulais sur ce type de chemin, à l'approche de la nuit, José Luis - Un habitant de Neuquen qui voyageait pour son travail , s'arrêta à ma hauteur.
-¿ Où vas tu donc à bicyclette, ici, loin de tout?- Au village suivant! Selon
ma carte, il devrait se trouver à environ 10 kilomètres d'ici! -Monte ton vélo dans la camionnette, je vais te rapprocher et te trouver un lieu sûr! "Finalement, je préférerais pédaler!"- Ne sois pas obstiné, la nuit va tomber dans quelques minutes on en profitera pour bavarder!
Sur cet argument et pensant que cela serait seulement pour une dizaine de kilomètres j'ai accepté, j'ai monté Rocinante dans la camionnette et nous avons commencé à progresser à une vitesse beaucoup plus rapide qu'à la force des jambes .
Après quelques minutes, Jose Luis m'a dit: - Dans ce coin il n'y a rien à voir, regarde là, c'est le village dont tu me parlais, mais il n'y a rien, rien ! Je vais à 200 km ici, si tu veux je pourrais te laisser là-bas! Pendant ce temps-là moi je voyais mon beau village s'éloigner en arrière, mais un peu de chemin en moins à faire , ça ne tombait pas mal, ça me permettait d'envisager au moins les 29 000 km pour tout mon parcours. Je lui ai demandé qu'il me laisse à Chos Malal , et comme d'habitude cet imprévu n'était pas inutile car en quelques minutes je pourrais connaître un peu de cette population. Nous sommes arrivés sur la place de Chos Malal, nous avons échangé nos coordonnées et je me suis dirigé vers le camping municipal ( Il y en a dans toutes les villes d'Argentine autour de la route 40, il ne coûte presque rien).
En arrivant à cet endroit j'ai vu quatre grandes bicyclettes plus une petite et deux remorques pour transporter des affaires.
Je me suis adressé au gérant : " il semble y avoir pas mal de voyageur à bicyclette ici ? "
Oui...une famille complète qui vient d'arriver"...Et ils arrivent d'où?: " Du sud, de loin, mais ce sont des gringos, ils ne parlent pas castellano! »

J'avançai pour monter ma tente, ils étaient là assis à une table , en train de préparer leur viande sur une grille , un couple de Canadiens avec ses deux enfants à bicyclette, l'un deux avait son propre vélo et la fille plus petite dans une petite remorque à pédale qui s'accrochait au vélo de sa mère. Il y avait aussi un couple d'Allemands, ils s'étaient rencontré en chemin et avaient sympathisé.
Nous avons parlé un bon moment, bu quelques bières et mangé un peu de viande. Nous avons comparé nos expériences de voyage, donné et partagé des conseils. Il n'est pas courant de rencontrer toute une famille qui voyage, il est toujours très gratifiant de bavarder avec des cyclistes partis à l'aventure.
Le jour suivant, tôt le matin, un grand troupeau de bovins nous a réveillé . Un Gaucho est entré avec son bétail dans le village, nous sommes tous sortis des tentes pour prendre quelques photographies.
Après le petit déjeuner nos chemins se sont séparés, ils partaient vers le nord et moi je voulais rester un jour de plus dans ce lieu tranquille et folklorique.
. La reprise n'a pas été facile, le chemin montait, montait sans cesse et je sentais progressivement mes forces décliner. J'avais moins d'énergie que d'habitude, ce jour de repos m'avait laissé en très mauvaise condition. Gravissant la montagne je souffrais à chaque coup de pédale. Arrivé au sommet j'ai aperçu quelques maisons, un lac et des gauchos qui accompagnaient un troupeau.
J'avais seulement réussi à avancer de 50 km je me sentais faible.
Je me suis arrêté devant la maison pour crier:
- ¡Hola, il y a quelqu'un!-
Au bout de quelques minutes un homme assez âgé est sorti, il portait des vêtements sombres comme les gens pauvres qui habitent dans la montagne, il s'est approché jusqu'au portail de l'entrée et m'a dit: "comment ça va, je peux vous aider?"
-" Bonsoir, je suis un voyageur, je me sens un peu malade, je cherche un endroit pour passer la nuit pouvez-vous me rendre ce service?
- " Bien sûr, entrez, vous pouvez laisser votre vélo sur le bord de la maison, ici dans la campagne on ne vole personne ne vous en faites pas? Il s'appelait Ricardo, il devait avoir environ 60 ans. Il m'a invité à rester chez lui, avec l'hospitalité habituelle des gens de la campagne.
Nous avons parlés pendant des heures de la vie de la campagne, de la famille, de la politique, et nous avons mangé ensemble un bon plat de riz avec des lentilles en partageant ce que chacun possédait, lui le riz et moi les lentilles.
Il m'a dit qu'il n'aimait pas les hommes politiques, qu'en Argentine ils étaient devenus tous corrompus qu'il ne cherchaient le pouvoir que pour voler . Chaque fois qu'il en arrivait un par ici il le couvrait d'insultes. Il n'aimait pas les gens menteurs et il en était passé beaucoup trop dans ce coin pour faire de fausse promesse que le vent emportaient.
Après quelques heures de conversation il m'a invité à m'installer dans une chambre vide, celle qui avait un grand lit. À peine posé la tête sur l'oreiller je me suis endormi, écrasé de fatigue.
Je me suis levé tôt le matin, je me sentais fort, 16 heures de repos avait totalement renouvelé mes forces . Ricardo m' expliqua que le chemin que je suivais était pratiquement toujours en descente ce qui me donnerait une bonne journée d'avance.
Aux environs de midi je me suis arrêté à Buta Ranquil, un village tranquille dans lequel j'ai retrouvé une des deux familles de cycliste que j'avais rencontré les jours d'avant. Après avoir un peu bavardé j'ai préparé mon repas sur la place et continué mon chemin. J'ai réussi à atteindre Barrancas, la dernière ville dans la province de Neuquén. Arrivé dans cet endroit, des Argentins curieux ont commencés à
s'approcher et j'ai entamé une conversation avec deux personnes Claudio y Tino, comme si c'était des gens de ma famille...:" Une grillade"? Ok! Après quelques minutes de conversation une bonne grillade se préparait avec un peu de viande, des chorizos, un peu de vin, nous sommes restés là à bavarder jusque tard dans la nuit. Le jour suivant je n'ai pas réussi à me lever tôt et je suis resté un jour de plus dans la maison de Doña Juanita, qui très délicatement m'avait invité dans sa famille et m'a donné un peu de son pain cuit au four pour la route. La chaleur de l'hospitalité des Argentins de la campagne n'a jamais cessé de me surprendre.
J'ai ensuite poursuivi mon chemin, à 4 km se trouvait le río Barrancas, limite territoriale entre la province de Mendoza et Neuquen. Mon objectif suivant était Mendoza, la capitale. Les itinéraires argentins sont très originaux, j'ai toujours été surpris par les Gauchos qui occupaient la totalité de la route pour déplacer leurs troupeaux vers les terres basses lors de leur transhumance pour échapper au froid et la neige.
J'ai décidé de m'arrêter un peu à Malargüe, un site touristique avec des grottes, des cascades, des squelettes de dinosaures, et des châteaux de pierre. un peu de repos me convenait bien et je devais faire quelques réparations. Une partie de mon équipement commençais à défaillir, mon porte bagage arrière était cassé et comme il était en aluminium il était pas facile de trouver quelqu'un pour le réparer. Je suis retourné en ville et j'ai cherché ici ou là quelqu'un qui puisse le faire. Je trouvai finalement un maître en la matière qui après m'avoir entendu raconter mon voyage et s'être rendu compte de mes faibles ressources financières, me répondit que j'avais de la chance, il lui restait un dernier bâton de soudure pour aluminium. Il me la réparé avec beaucoup de soin, encore plus solide qu'avant. Avec tranquillité j'ai pu poursuivre mon chemin solitaire.
Le jour suivant je pensais quitter tôt cette ville de Malargüe pour partir en direction de Mendoza. mais le destin a voulu que je reste un jour de plus, mon réchaud portatif ne fonctionnait plus et faire plus de 330 km sans rien pour faire la cuisine avec des villages très éloignés les uns des autres c'est risquer de mourir de faim! Le matin j'ai commencé par essayer de réparer cette classique MSR whisperlite, en modifiant certaines pièces, en nettoyant un peu partout mais rien à faire, je n'ai réussi à la refaire fonctionner, les heures passaient, j'avais faim et seulement 100 pesos argentin en poche, (+/-10 dollars, acheter de quoi manger n'aurait calmé ma faim que pour quelques jours. Alors que je cherchais une solution à ce problème, ma fiancée Alejandra, m'a poussé à fabriquer mon propre réchaud en utilisant uniquement des boîtes de conserve et de l'alcool.

Je suis parti au supermarché pour acheter de l'alcool à brûler ( utilisant une bonne partie des pesos qui me restaient), j'ai trouvé un peu de sable ( pour obtenir un effet catalytique lors de la combustion de l'alcool) je me suis mis à fouiller dans les ordures pour chercher des boîtes de conserve. J'avais déjà très faim, on a dû penser que je cherchais de la nourriture par ici, le service de nettoyage était déjà passé et j'ai eu pas mal de difficultés à trouver mes boîtes. Finalement au bout de quelques heures j'avais tous les matériaux nécessaires. Peu à peu l'ustensile a commencé à prendre forme, j'ai découpé les boîtes de conserve j'ai fait des trous par-ci par-là jusqu'à ce que finalement l'oeuvre soit achevée! J'ai versé de l'alcool à l'intérieur ( un chat me voyant concentré sur ce travail on a profité pour me voler et me manger mon beurre), je l'ai allumé.... quelques secondes d'attente et ça a marché! Je me suis immédiatement préparé un bon plat de riz et de lentilles jouissant de l'odeur de la cuisine comme un homme réellement affamé.
Voila un petit exemple de ce qu'a l'habitude de vivre le voyageur qui part à l'aventure, des jours souvent totalement imprévisibles. Il ne me restait plus alors qu'à terminer mes 2000 km de voyage mais j'avais tout ce qu'il faut pour le faire!

J'ai alors continué à progresser sur mes chemins solitaires, la nuit j'admirais les étoiles, le jour il m'arrivait souvent de m'émerveiller en observant comment la nature fouettait de blanc la montagne, il m'est arrivé aussi de ne pas réussir à progresser à plus de 5 km/heure à cause du vent qui me bloquait complètement, je devais parfois cramponner le guidon avec mes dents pour ne pas tomber.
J'ai préféré suivre toujours la route 40, en arrivant à El Sosneado j'ai du prendre une déviation ( qui était toujours la route 40). Le chemin devenait de plus en plus difficile jusqu'à en arriver au point où pousser le vélo représentait plus de 60 % du temps! Quand j'arrivais à pédaler,
je ne dépassais pas 7 km/h. Journées très dures où, pour 12 heures de déplacement je n'arrivais pas à progresser de plus de 60 km.
À la fin de la deuxième journée après Malargüe, j'ai choisi de dormir à la belle étoile car le vent fort de la nuit dans la pampa secouait tellement ma tente que je n'arrivais pas à dormir. Alors j'ai mis une toile par terre, mon sac de couchage par dessus et dernière moi la bicyclette pour couper un peu le vent. J'ai réussi à dormir beaucoup mieux bien qu'à cinq heures du matin, presque trois heures avant le lever du soleil, de petites averse me réveillèrent. Un réveil somme toute naturel, Mendoza se trouvait à seulement 180 km , ces gouttes m'offraient peut-être l'opportunité d'y arriver d'une seule étape. Ce secteur était pratiquement libre de trafic, pédaler la nuit ne représentait aucun risque. Je me suis mis en route, la qualité du chemin s'améliorait
lentement et les heures passèrent. Aux environs de neuf heures du matin, un gaucho est arrivé derrière moi , il ne m'avait pas bien vu de loin et pensait qu'un de ses chevaux s'était sauvé. Il m'a proposé un petit déjeuner et m'a indiqué un raccourci pour quitter ce dur chemin et en trouver un autre plus facile et descendant.

À midi je me trouvais à Pareditas, à quelques 120 km de Mendoza , devant moi un chemin complètement plat, je pouvais espérer y arriver. J'ai pédalé durement et vers huit heures du soir j'étais à la maison de mon oncle Eduardo et de ma tante Verónica, avec qui je suis resté quatre jours. Chez eux, je me suis senti comme à la maison, nous avons mangé de bonnes grillades, ils m'ont permis de connaître la belle histoire de la cité historique de Mendoza, berceau de la fameuse armée des Andes, celle qui, il y a bien des années traversa à pied la cordillère lors d'une marche culminant à 3800 m d'altitude pour venir en aide au Chili dans sa guerre d'indépendance contre les Espagnols...
c'est par ce même chemin que je suis retourné dans ma patrie, mon cher Chili ! 


Epilogue: Un dernier effort, un rêve s'achève, je rentre à la maison, je retrouve mon cher Chili!

Sans que je m'en rente compte, le temps a passé. Ce que j'envisageai comme un voyage d'un an est devenu presque deux ans et demi d'efforts. De bons moments que je n'échangerais pour ríen au monde, pendant lesquels j'ai tenté de connaître  les coins et les recoins de l'Amérique Latine, ses habitants, ses saveurs….et trouvé quelque chose que je ne cherchais pas, que je n'avais pas perdu: l'amour!
Ma dernière nuit en Argentine, je contemple le ciel depuis les hauteurs de la Cordillère des Andes, il est dégagé et mes rêves sont dans les étoiles….J'ai dit une fois à Alejandra que la lune, lorsque je la regardais  me faisait souvenir d'elle, de son sourire et son visage d'enfant joyeux. En ce moment je la vois dans le ciel et mon coeur est plein d'espérances. Demain j'entrerai au Chili et entamerai la dernière étape de ce rêve que j'avais en tête depuis si longtemps et qui se trouve bien proche de son accomplissement. 
Je suis enfin rentré au Chili, fatigué d'une traversée de la Cordillère par un des cols les plus fréquentés de camions: Le Paso " los libertadores". enclavé dans les hauteurs et surveillé par les condors, gardiens de ces vieilles montagnes. La cordillère était enneigée, une tempête venait de la frapper quelques jours avant. J'ai entamé ma descente vers mon pays à en endroit nommé Caracoles (escargots), une longue descente de vingt-neuf lacets faisant honneur à son nom, dans laquelle j'allais d'un côté à l'autre et vice versa, pour arriver rapidement à mon but: "Los Andes", la première ville chilienne. 

En arrivant dans cette ville j'en ai fait le tour et bavardé avec des gens qui traînaient. J'ai eu droit, après avoir raconté mes histoires à tata Beto, dans la maison de mes grand-parents, à un bon repos que j'attendais depuis longtemps. 
J'ai pris alors la route de Villa Alemana , par des petites routes peu fréquentées, ce qui m'a permis de découvrir un Chili que la grande majorité des Chiliens ne connaissent pas : un Chili pauvre où le miracle américain n'est pas arrivé, où le jaguar de l'Amérique latine est un petit chat qui a besoin d'un biberon pour être alimenté. Surpris par une pauvreté que je ne savais pas exister dans mon pays, je suis revenu à la maison de mes grands-parents. J'étais sale, fatigué, j'avais perdu pas mal de kilos, mais j'étais seulement à 1500 km de ma maison.

J'ai profité de deux jours pour me reposer et partager un peu de temps avec la famille.. Finalement c'est la chose la plus importante, il faut savoir vivre en famille les moments importants qu'ils soient bons ou mauvais. C'est un bon investissement du temps qui nous est donné. 

Ensuite j'ai poursuivi ma route vers le nord en passant par l'intérieur de la quatrième région : des endroits situés en altitude où on est toujours à monter ou descendre. J'ai été surpris par la beauté des lieux que je ne pensais pas aussi remarquable. Les vertes vallées irriguées par des rivières contrastaient avec la couleur sableuse de montagne, rendant ces paysages remarquables.

Et pourtant lors de ces retrouvailles, le Chili m'a semblé un pays étrange, isolé de l'Amérique latine. Un désert dans le Nord et la cordillère des Andes à l'est sont des murailles qui depuis des  temps immémoriaux ont maintenu ce pays dans un état d'isolement. Cette caractéristique a d'une certaine manière influencé sa population. Ici je n'ai jamais pu me faire loger chez les pompiers, ce qui avait très bien marché ailleurs comme stratégie de secours. Même chose dans les zones publiques où il a été impossible de contacter le responsable pour pouvoir dormir dans un endroit sur. Quelque chose ne fonctionnait pas! Est-ce que les gens d'ici ne voyait pas l'intérêt de soutenir un projet aussi fou que celui de parcourir l'Amérique Latine en pédalant? Est-ce que les  très dures journées et  ma tête fatiguée rendaient mon apparence peu rassurantes? Est-ce que les gens du coin ne supporte absolument pas les étrangers? Ces questions ont tourné dans ma tête jusqu'à ce que finalement je me décide à me déplacer de manière totalement indépendante. 
Le ciel et les étoiles furent mon toit, les condors et les animaux mes gardiens, les rivières et cascades mes réserves d'eau…. le temps était revenu de prendre contact avec la nature en communion avec mes pensées subtiles à un niveau plus intéressant...
La première vallée que j'ai parcouru a été la  "Valle del Choapa. ", après avoir traversé la montagne et un tunnel très obscur situé à son sommet,  j'ai laissé derrière moi la cinquième région. Les paysages sont rapidement devenus semi arides avec des cactus couvrant les montagnes. Je me suis immergé lentement dans ce bel endroit du pays. Un village pittoresque, Combarbalá, a retenu beaucoup mon attention: il avait des maisons d'adobe avec un aspect colonial qui n'est pas habituel au Chili. Je me suis assis sur la" Place d'armes" pour manger en compagnie d'anciens qui m'ont raconté quelques histoires de ce genre:

"- Dans ce village vivait une famille qui avait fait un pacte avec le diable. Ils sont devenus riches en une nuit. 
   Vous croyez à ces pactes avec le diable ?
   Bof…. c'est une question difficile! Lui-ai je répondu ! Ce sont des sujets qui ne m'intéressent pas!
   On raconte que dans les environs de village sont cachés de grands trésors depuis la période de la guerre du Pacifique contre  le Pérou et la Bolivie….
   Vous savez où on peut les trouver?
   Oh non,  ils sont bien cachés 
   Vous croyez qu'elles sont réelles ces légendes de trésors?
   Bien sûr que j'y crois, pendant ces guerres se commettent tellement d'injustices et d'atrocités insensées. 
   « Un trésor ou une relique volée et ensuite enterré, c'est parfaitement possible! 
   Il y a bien longtemps j'ai fait mon service militaire »... ( le vieux se souvenait parfaitement du noir des bataillons, des escadrons, des lieux d'entraînement, des conflits) « On allait dans la montagne pour veiller à ce que les  Boliviens ne traversent pas la rivière.... »
 Le vieil homme m'a parlé pendant une bonne heure, me racontant chaque détail de ce qui était arrivé, je l'écoutais attentivement. Des scènes historiques, des anecdotes non officielles, toujours intéressantes à découvrir….Au bout d'un moment Il finit par avoir faim et rentra dans sa maison pour déjeuner…

J'ai continué mon chemin par les vertes vallées, les montagnes sèches pleines d'histoires et de mystères, ornées des oeuvres artistiques d'antiques civilisations.
 De dures étapes de cent kilomètres où je me levais tôt et ne lâchais Rocinante qu'aux derniers rayons du soleil. Plus j'avançais, plus les surface des vignobles destinées à l'élaboration du Pisco et couvrant les vallées augmentaient en même temps que les montagnes apparaissaient plus sèches dans les hauteurs. La nuit, le ciel était de plus en plus limpide, révélant toujours plus d'étoiles sur la voute céleste. 
Le cinquième jour, à la nuit tombante, je me trouvais au passage d'un col, j'ai regardé mon GPS pour vérifier l'altitude et j'ai eu la surprise de constater que j'étais à 2000 mètres . Je me suis demandé à quel moment j'avais bien pu monter autant!
Le village suivant se trouvait à 30 km, à côté du col,  il y avait un abri avec un toit. J'ai pris la décision de dormir en plein air à cet endroit sans monter ma tente,  les yeux dans les étoiles qui dessinaient dans les constellations le visage d'Alejandra. La beauté de ces étoiles m'émerveillait , les heures passaient, la nuit s'obscurcissait et j'étais là, regardant le ciel . 
Soudain une étoile filante est apparu, elle s'approchait rapidement. Je me suis dit: c'est une bonne occasion pour faire un voeu! L'étoile grossissait.." Je voudrais embrasser sur la bouche ma belle colombienne"…. L'étoile continuait à grossir! Mais que se passait-t-il ? Voici qu'elle atteignait presque la taille d'un ballon de football, je commençais à avoir peur, j'avais devant les yeux quelque chose d'inconnu, elle prit rapidement une couleur verte et subitement disparue….. la peur était passée, il ne me restait plus que l'émerveillement. Ces vallées ont réellement une atmosphère mystique peu commune!

Le jour suivant, j'ai parcouru la vallée " del Elqui", très belle et très touristique., j'ai pris la direction de. Cochihuaz. On m'avait parlé dans cet endroit d'une gigantesque roche de magnétite,  la pierre sacrée des Incas et d'autres peuples indigènes qui ont vécu ici. Des manifestations d'art rupestre, un peu plus loin une marque du diable selon les croyances locales. En sortant de ce village j'ai voulu aller dormir à Monte Grande, a seulement une quinzaine de kilomètres. C'est un endroit connu dans le monde entier car c'est là que Gabriela Mistral grand écrivain du Chili et prix Nobel de littérature à réalisé son oeuvre.  Une petite rivière fraîche et charmante traverse le village irriguant les vignobles. Je me suis installé pour dormir sur ses berges, la magie de cette vallée couronnée de montagnes sèches faisait de cet instant un moment mémorable. Il y avait déjà installé là,  trois personnages : El Hippie chico, El  Pelao y la Rusia. Ces personnes vivaient dans la rue et se faisaient appeler ainsi.


Nous avons préparé ensemble et partagé  le repas du soir. Pendant que nous mangions, el Pelao m'a offert un T-shirt. Je lui ai répondu qu'il n'avait pas à s'inquiéter,  j'avais tout ce dont j'avais besoin dans mes sacoches.. nous avons continué notre repas.
Je pensais repartir le lendemain matin mais "La Rusia" m'a invité à déjeuner avec lui pour qu'on parle un peu ensemble de nos vies,  j'ai accepté.
-Je suis sociologue m'a dit "el hippie chico", un homme de la cinquantaine - mais je n'ai jamais aimé les bureaux et la vie qu'on m' imposait, j'ai travaillé quelques années et puis ensuite je me suis mis à fabriquer à vendre des objets artisanaux, je suis un homme de la rue et j'ai choisi cette vie.
-Je me demandais en mon for intérieur s'il disait réellement la vérité: à en juger par son allure il ne restait plus rien de l'intellectuel qu'il avait pu être autre fois, et en poussant un peu plus loin l'analyse je lui demandais quel but il poursuivait dans la vie?
- je ne sais pas, je sais seulement qu'il y en a qui croient que le bonheur repose sur l'accumulation de choses, d'argent, de succès, mais cela ne fait que créer plus de besoins et de dépendance. Il se pourrait que le mieux soit de vivre la vie comme on le souhaite, en aidant les autres et par cela même en s'aidant  soi-même
- Mmm.! Pensais-je, cet homme pense clairement et il semble que la rue lui ai enseigné beaucoup de choses. Tout en y vivant,  il a pris le temps de penser à ce qu'il allait faire de sa vie. Il n'a pas suivi le courant..l.
 - J'ai alors demandé aux autres ce qu'ils faisaient de  leur vie.
- On fait des jongleries aux feux des croisements, on gagne notre vie comme ça le jour, et la nuit, on met nos tentes près d'une station service, on est obligé de se lever avant 8 heures du matin, après c'est le passage des éboueurs.
-Et…vous restez habituellement dans la même ville?
-Non, là on est à La Serena, on est venu ici pour voir la "Valle del Elqui", on ne peux pas vivre à La Serena et ne pas connaître ça! me dit" La Rusia" avec un énorme sourire!..Mais normalement on voyage, on a été à Iquique, Antofagasta, Copiapo, Viña del Mar….Quand on en a marre d'un coin, on s'en va dans un autre!…Et toi, qu'est ce que tu fais par ici?
-Découvrir l'Amérique latine, faire un petit tour à vélo!
Nous avons continué à bavarder et à rire pendant des heures, leur regard sincère, leur joie de vivre le moment présent sans se préoccuper du lendemain les rendait agréable à vivre. Ils m'ont accepté comme j'étais, eux qui, souvent, souffrent de discrimination dans les rues!

Après un bon déjeuner, j'ai repris ma route, j'ai descendu cette vallée de montagnes désertiques, de vignobles et de gens sympathiques, je suis arrivé à la nuit tombante à Vicuña. 
J'étais déjà passé par ce village queques jours avant, je connaissais un bon coin pour camper, près d'une station service. 
« Oh là non garçon, qu'est-ce que tu fais ici avec ce velo, installe ta tente à côté de la mienne, comme ça on se protégera les ivrognes des voleurs! » C'est Christian qui m'invite,  un autre homme de la rue qui vend des ceintures de cuir, travail de prisonniers!
Une occasion de plus de partage avec des gens pauvres et sans logement, des personnes dont on a souvent peur et qui pourtant s'efforcent de trouver une forme de vie, la société les a marginalisées. La situation de cet homme était assez différente des trois autres. Il se trouvait là pour faire un peu d'argent et l'envoyer à sa famille dans le sud du Chili. Sa maison était là-bas. Pourtant, quand il partait travailler, la rue était son foyer car le peu d'argent qu'il gagnait était  entièrement destiné au bien-être de sa famille.
-je me disais que décidément la rue était pleine de gens bien, et que la société était cruelle…Cette habitude de ne pas accepter tout le monde…!



Tôt le matin je me suis mis en route pour me rendre à La Serena, rendre visite à mon oncle Pablo et à sa famille. Je suis resté là deux jours pour me préparer à la dernière étape de mon aventure. Et puis mon oncle m'a accompagné sur quelques kilomètres un peu après la sortie de la ville.

Je suis à 870 km de mon foyer, de mes parents, dans 7 jours j'arriverai à Antofagasta et "Pedaleando latinoamerica" sera terminé. Il me reste à traverser le désert d'Atacama, Un des lieux les plus arides de la planète, avec des endroits dans lequel il n'est pas tombé une goutte d'eau depuis plus de 400 ans, et en plus….pas mal de montées et de descentes!

Pendant sept jours j'ai parcouru ce désert, comme toujours par des chemins de traverse.
Arrivé à Vallenar, j'ai préféré continuer vers le nord en suivant la côte. Cette combinaison de montagne, de désert et de mer est unique et c'est une excellente occasion pour profiter de la beauté de ce type de paysage
J'ai parcouru pendant trois jours des pistes monotones et néanmoins belles et pleines de vie.. Des troupeaux de Guanacos, jamais domestiqués, filaient vers les montagnes ou la mer sur le passage de Rocinante, les cactus décoraient de vert les plaines, des Charognards survolaient ma tête attendant peut-être que je m'écroule terrassé par la soif. Il ne savaient que pas que j'avais le cœur enflammé, que je ne me soumettrai pas au désert! Mon rêve était sur le point de se réaliser, cela me donnait des forces pour affronter cette dernière étape qui , sans aucun doute m'a poussé à mes extrêmes limites. 

A seulement 70 km d'Antofagasta, sur la route principale, je me suis arrêté devant cette sculpture qu'on appelle" la main du désert", j'ai appelé mon père pour lui dire que j'étais proche, j'en ai profité pour manger quelques galettes, et récupérer toute l'énergie qui me restait, je suis reparti.
Là ce n'était pas facile, car la route était devenu un enfer, parcourue de gros camions, mais c'était sans importance, j'approchais de mon but!
J'avançais lentement, tour de pédale après tour de pédale, le corps près de défaillir, jusqu'à ce qu'un panneau sur la gauche annonçant Antofagasta, signale le début d'une descente jusqu'à ma maison.

Des véhicules claxonnais quand je suis entré dans la ville, ma soeur, ma mère et ma petite nièce étaient là pour me saluer et me donner du courage pour ce qui restait à rouler….Embrassades, embrassades!
A trois kilomètres de la maison, le soleil commençait à prendre une couleur rouge en touchant l'océan dans le lointain, cherchant un coin pour passer la nuit…Je ne pouvais espérer un meilleur moment pour mon arrivée. Ce magnifique coucher de soleil en famille, ce vendredi 30 mai 2014, l'aventure " Pedaleando Latino America" était terminée!

J'avais derrière moi  23 pays,  29.023 kilomètres de pédalage. Que d'expériences vécues sur les terre de notre continent. Un lent voyage au travers des forêts, des déserts, des montagnes, depuis le Chili jusqu'au Mexique. Je peux dire que j'ai acquis quelques connaissances de notre héritage, de nos tradition, que je connais un peu notre population, depuis les indigènes qui  habitent au coeur de l'Amazonie jusqu'à des personnes porteuses d'importantes responsabilités. J'ai appris quelque chose et fais un petit pas dans ma vie !


Buenos aires, l'Argentine et la Patagonie

Une petite escale à Buenos Aires

Au premier jour de janvier je me suis retrouvé sur les rives du Rio de la Plata en face de Buenos Aires la capitale de l'Argentine. J'ai alors pris un bateau à Colonia del Sacramento en Urugua pour traverser le fleuve et commencer la nouvelle étape de mon voyage.


J'ai attendu pendant quelques jours à Buenos Aires l'arrivé d' Alejandra avec qui je devais prendre la direction de Bariloche.


Cette ville m'a paru belle du point de vue architecture au moins dans son centre mais globalement , du point de vue humain,c'est un désastre.
Alors que je parcourais à vélo différents secteurs, mon attention a été profondément attiré par la misère dans laquelle vivent beaucoup de ses habitants. Des personnes, parfois des familles entières cherchent des abris sous les ponts. On se rend facilement compte que pour un touriste dans les zones intéressantes la sécurité existe, mais en dehors de ces quartiers privilégiés, le danger est évident. C'est une ville intéressante, mais seulement pour une semaine. Il existe un tas d'autres endroits en Argentine qui m'ont captivé infiniment plus..



NOS PREMIERS KILOMÈTRESENSEMBLE
Notre chemin nous a mené jusqu'à Bariloche. Nous avons décidé de commencer notre périple dans cette ville où Rodrigo avait laissé son vélo qui servira a Alexandra.
Le voyage était long et parfois étonnant. Un changement impromptu et d'itinéraire nous a fait parcourir l'Argentine dans les environs de la cordillère des Andes. Nous sommes arrivés rapidement en Patagonie pour profiter des mois de chaleur dans ces terres du bout du monde.
Bariloche nous a tellement plus que nous y sommes restés beaucoup plus que ce qui était prévu.. Les environs du lac Nahuel Huapi, et d'autres lacunes qui l'entoure sont d'une beauté extraordinaire, une beauté que nous avons commencé à ressentir de plus
en plus fortement à mesure que nous avancions vers le sud. Nous avons également commencé à comprendre la façon d'être des Argentins, , un peu différent des autres, tout en restant finalement des latinos. Le fait que dans les provinces de ce pays personne n'aime les "Porteños" ( habitants de Buenos Aires) a beaucoup attiré notre attention. Avec le temps il nous est apparu que les rumeurs concernant l'apathie extrême et la bonne grâce de ses habitants étaient tout à fait fondées.
Les 20 km de la première journée pour atteindre Colonia Suiza et s'y reposer une semaine ont été très pénibles. Ces vingt kilomètres de montées et descentes ont laissé ma fiancée assez endolorie, nous avons donc préféré rester dans cet endroit pour savourer la beauté des paysages. C'est un endroit incroyable pour la pratique des sports d'aventure, grands chemins et trekking à l'ordre du jour. Notre plus ongue ballade nous a mené au " Lac bleu" après environ quatre heure de marche dans la montagne.
Et puis , peu à peu, sans que nous nous en rendions compte, le voyage a commencé à progresser au rythme de 20 à 40 km par jour, qui nous aurais paru impensable quelques mois auparavant, nous permettant de découvrir progressivement les merveilles qui nous entouraient. En partant de Colonia Suiza, nous avons pris la direction de Bolson à environ 130 km de Bariloche, un endroit où abondent les hippies, les artisans et les touristes. On y respire une ambiance de folie, à peine arrivés, une femme nous a abordé pour nous proposer de la drogue...nous l'avons aimablement remercié en lui disantt que nous n'étions pas consommateurs. Après un
repas rapide, nous rentrons dans une pharmacie pour acheter des médicaments...et faisons la connaissance de Dioscar, un argentin plaisant et communicatif ( comme la majorité de ses concitoyens) qui, en voyant la tête fatiguée d'Alejandra, nous invite à poser notre tente chez lui. Arrivés dans sa maison, après une joyeuse conversation, il nous offre une chambre que nous acceptons bien volontiers. Nous sommes restés chez lui quatre jours, nous avons fait la connaissance de son fils Favio qui nous a fait découvrir les environs et de sa nièce Carito. Ils nous ont concocté la cuisine du coin, Alejandra un "caldo de huevo" typiquement Colombien, et moi un " pastel de papas" ...typique de partout!
Ce sont des familles comme celle-là qui font la beauté d'un voyage, lorsque la beauté des lieux perd de son importance face à une rencontre avec des personnes qui nous font partager leur vie.

Changement de plan inattendu et ....cap vers le Sud!
Après notre séjour à Bolson, nous avons été amenés à modifier nos projets. Nous nous sommes rendu compte que nous avancions trop lentement, qu'il ne fallait pas minimiser les problèmes physiques d'Alejandra, que les deux semaines où Alejandra
devait aller à Mexico pour une conférence sur la pauvreté infantile et moi dans la cinquième région du Chili pour le soixantième anniversaire de mes grands parents paternels , se rapprochaient....!

Nous avons donc décidé de continuer notre voyage vers la Patagonie sac au dos en faisant du stop sur les routes du sud chilien et argentins.
Avant cela nous nous sommes rendus dans la cinquième région du Chili pour passer une semaine en compagnie de mes grands-parents, ensuite Alejandra a pris un avion pour Mexico et je suis retourné à Bolson pour y chercher Rocinante et parcourir l'Argentine sur la route 71, en voyageur solitaire.
Par cet itinéraire, on passe en plein milieu du Parc national " Los Alerces", un paysage de contes de fés, des chemins de terre , des lacs un peu partout. Peu à peu, ces
terres m'ont fait une impression très forte, en particulier lorsque j'ai contemplé les " Alerces" millénaires, ces arbres qui étaient peut-être déjà plantés là lorsque Jésus marchait sur notre Terre... J'avais l'impression, au pied de l'un d'eux, de pouvoir "sentir"
sa sagesse, d'imaginer les centaines de générations humaines à cette même place, de me trouver devant quelqu'un ou quelque chose qui connaissait fort bien le monde, mieux que les plus grands voyageurs, qui contemplait dans la paix et la tranquilité propre aux sages mystiques, apprenant à rester calme, l'esprit et les sens dans le silence. Un lieu de réelle beauté qui, par moment, me faisait frissonner sans que je sache pourquoi !
En sortant de ce Parc, je suis arrivé dans une petite et charmante ville qui s'appelle Trevellin, elle se trouve à environ 45km de Futaleufu, sur la frontière. En arrivant là, j'ai demandé à la police où je pouvais camper et il m'ont envoyé sous un pont. J'avais au moins de l'eau , et le froid du sud m'a fait comprendre que cet endroit était tranquille, j'y suis resté un peu. J'ai ensuite continué, en solitaire, jusqu'à Futaleufu, en cet endroit j'ai mis en garde Rocinante pour un peu plus d'un mois et j'ai rejoins Puerto Montt où m'attendait Alejandra.

Ensemble, nous avons alors parcouru la grande et mystique ile de Chiloé, un lieu traditions et superstitions ancestrales, des personnes un peu plus aimables que dans le reste du pays, peut-être à cause de la dureté de la vie et du climat?

Nous somme partis d'abord pour Ancud. Cette ile est globalement caractérisé par ses paysages maritimes sur fond de montagnes, ses bateaux de pécheurs, ses "palafitos" juchés sur la mer...On y touve également de belles églises en bois ( Alerce) classées patrimoine de l'humanité. Nous avons progressé lentement vers l'ouest. Passant d'abord par Quemchi, ensuite par Castro où nous sommes restés une semaine, et finalement nous avons pris la direction de Quellon, embarquant en cet endroit sur un " rafiot" qui nous a déposé à Puerto Cisnes dans la région de Aysen. Probablement une des plus isolées du Chili. Un belle traversé au fil des "fjords" du grand sud.
Les choses sont alors devenus très intéressantes, les routes et chemins sont en terre, interconnectés sous le nom de la mythique "route australe". Les bus sont loin de relier chaque jour la plupart des communes et les billets sont très chers. Alors nous avons commencé à " lever le pouce", à solliciter les automobilistes de passage.
Plus nous progressions dans ce pays, et plus les paysages nous surprenaient. Nous
avions déjà trouvé d'une beauté divine le sud de l'argentine, mais le paysage qui s'offrait à nous était encore plus impressionnant que celui du pays de l'autre côté des Andes.
Nous avons entamé un jour une jolie ballade le long d'une "névé" un sentier appelé " la forêt enchanté" ...A la vérité, chargés comme nous l'étions, on ne profitait pas beaucoup du paysage, mais de temps en temps, un beau paysage rachète tout...Nous avons voulu camper près de la névé et redescendre le jour suivant, assez tard, après avoir attendu un peu de beau temps pour nous mouiller le moins possible. Un véhicule s'est arrêté pour nous prendre jusqu'à Coyhaique où nous sommes resté une nuit avant de reprendre notre chemin....Pouce levé , nous avons avancé trente kilomètres par jour ...ce qui nous a amené un soir à Rio Tranquilo. Ce qui attire à cet endroit, se sont les " Capillas de marmol" ( chapelle de marbre) , que la nature a construit au milieu du lac " General Carrera", les eaux bleus du lac y réfléchissent le blanc du marbre.
Faire du stop dans ce coin est loin d'être chose facile, il nous est arrivé d'attendre plus de trois heures avant de trouver quelqu'un qui nous embarque....Il y a très peu de circulation sous ses latitudes!


Notre destination suivante a été le village de Calaca Tortel, il nous a fallu plusieurs jours pour y arriver, mais pendant tout ce chemin, nous avons eu des vues incroyables .

Calaca Tortel est un endroit qu'il ne faut pas oublier quand on visite la Patagonie. Tout simplement parce qu'il est totalement différent des autres , dans un paysage qu'on ne retrouvera pas facilement ailleurs. Il est entouré par des montagnes, un bras de mer, et très proche de l'embouchure du rio Baker, le le plus puissant du Chili. Il ne possède pas de rues, mais une série de passerelles qui connectent les maisons et les commerces, le long de la mer. Cette caractéristique lui confère un charme particulier. En plus , il possède plusieurs points de vue réellement impressionnants.
Le jour suivant, nous avons fait du stop plus facilement et rejoint Chile Chico, à la frontière de l'Argentine. Cette ville est située sur une rive du Lac Général Carrera qui s'appelle, du côté argentin, lac "Buenos Aires", nous avons monté la tente sur son rivage. Du côté argentin, la progression a été plus difficile, les routes étaient asphaltées, il ne passait parfois qu'un voiture par heure, il nous fallu beaucoup de jours pour arriver à Calafate, notre destination suivante. Au long d'une vaste et interminable pampa, il nous est arrivé dans un petit village d'attendre plus de 24 heures qu'un véhicule nous embarque.
En payant argent comptant, nous avons pu voir la véritable merveille de la nature qu'est le glacier Perito Moreno....les énormes et très impressionnantes masses de glace qui se détachent et tombent dans l'eau....nous sommes resté là des heures et des heures, complètement fascinés par le spectacle. Notre dernière destination a été Chalten.

 A ce moment, le temps commençait à nous être compté, nous avons donc décidé de rendre le bus comme n'importe quel touriste.
A Chalten, nous avons fait ce que nous devions faire, marcher, marcher, trois jours durant dans la montagne, avec peu de poids à porter, trois jours très agréables entourés de lacs, près de la fameuse montagne Fitz Roy. C'est assurément un des parcours de trekking les plus beaux de notre périple. Le dernier jour de marche, la nature nous a offert en cadeau le spectacle de la neige, Alejandra était émerveillée par un spectacle bien peu habituel dans son pays proche de l'équateur, je l'était aussi... Alors que nous redescendions vers le village, un énorme condor est passé au dessus de nos têtes...nous l'avons suivi des yeux plusieurs minutes jusqu'à ce qu'il disparaisse à l'horizon...ensuite, alors que nous descendions toujours, nous avons vu quatre condors qui tournaient dans le ciel autour d'une montagne proche du Fitz Roy, ils étaient suffisamment proche pour qu'on puisse admirer le vol majestueux de cet oiseau. On est resté encore bien longtemps à les admirer, j'étais émerveillé, je pensais aux heures que j'avais passé sur les montagnes pour essayer d'en voir, sans jamais y arriver, et aujourd'hui, sans que nous l'ayons souhaité, sur la fin de notre voyage, cet oiseau fantastique se laissait admirer au dessus de nos têtes...
Quel beau cadeau à la fin de ce périple dans un grand voyage...l'aventure continue, il nous reste encore les derniers kilomètres avant le retour à la maison ( Antofagasta) que j'espère pour la dernière semaine de mai. 

dimanche 15 juin 2014

Mario Quintana et Porto Alegre




Oeuvres d'un ami et poète de Porto Alegre : Mario Quintana 



 ( 1906  1994) 
Praça da Alfandega à Porto Alegre, écoutant Mario Quintana lire un de ses poèmes


Cadeira de balanço                                                       Chaises à bascule


Quando elas se acordam                                                Quand elles émergent
Do sono, se espantam                                                    De leur sommeil , elles s'étonnent
Das gotas de orvalho                                                     Des gouttes de rosée
Na orla das saias                                                          Dans l'ourlet des jupes
Dos fios de relva                                                           Des restes de gazon 
Nos negros sapatos                                                      Sur les chaussures noires

Quando elas se acordam                                                Quand elles se réveillent 
Na sala de sempre,                                                         Dans la salle de séjour
Na velha cadeira                                                            Dans leur vieille chaise
Onde a morte as embala…                                              Où la mort les berce….

E olhando o relógio                                                        le regard sur l'horloge
De junto à javela                                                           Près de la fenêtre
Onde a unica ora                                                          Où cette heure unique 
Que era da sesta                                                           Qui est celle de la sieste
Parou com gota que ia cair                                             S'est arrêtée comme une goutte sur le point de tomber
Perpassa no rosto de cada avozinha                               Sur le visage de chaque petite mamie

Um susto do mundo                                                      Sursaut du monde 
Que está deste lado.                                                      D'ici-bas
Que sonho sonhei                                                        Quel rêve ai-je fait
Que sinto ainda gosto                                                   Pour ressentir encore le goût
De beijo apressado….                                                    De baisers empressés…
Diz uma, e se espanta                                                    S'exclame l'une en se demandant
Que idade terei ?                                                          Quel âge elle a ?
Diz otra:"Eu corria, menina, em um parque…                     Une autre dit:" je courrais, petite, dans un parc...
y como saberia o tempo que era"                                     Comment savoir quand cela était"

Os pensamentos delas                                                  Leurs songes déjà 
Jà náo tem sentidos….                                                  N'ont plus aucun sens…
 A morte as embala                                                       La mort berce 
As avozinhas dormen                                                   Les mamies qui dorment 
Na sala deserta                                                            Dans la salle déserte 
Onde o relógio marca                                                   Où l'horloge maintenant 
A nenhuma ora                                                             Ne donne plus aucune heure.

Enquanto suas almas                                                     Et pendant que leurs âmes
Vem sonhar no tempo                                                    S'en vont rêver du temps
O sonho vão do mundo                                                 Le rêve échappe au monde
E depois se acordam                                                     Elles s'éveillent alors 
Na sala de sempre                                                         Dans la salle de séjour

Na velha cadeira                                                           Dans leur vieille chaise 
Em que a morte as embala...                                            Où la mort les berce...




Dos milagres                                                                Des miracles
O milagro não è dar vida aos corpos extintos                  le miracle n'est pas de donner vie aux corps éteints
O luz aos cegos, ou eloquencia ao mudos                        Ou lumière à l'aveugle ou éloquence au muet...
Nem mudar agua pura em vinho tinto…                            Pas plus de changer l'eau pure en vin rouge..
Milagro è acreditar nisso tudo!                                       Le miracle est de croire en tout ceci!





Magias                                                                                             Magies


Os antigos retratos de parede                                     Les vieux portraits sur les murs
Nāo conseguem ficar por longo tempo abstractos          Ne demeurent pas longtemps abstraits

As vezes os seus olhos te fitam obstinatos                   Parfois ses yeux te fixent obstinément
Porque eles nunca se desumanizam de todo                  Car ils n'ont jamais perdu leur humanité

Jamais te voltes para tras de repente:                           Ne te retournes pas brusquement:
 Poderias pegá-los em flagrante                                  Tu pourrais les prendre en flagrant-délit!

 Nāo, nāo olhes nunca!                                                 Non, ne regardes jamais cela!
 O melhor é cantares cantigas locas e sem fim…             Le mieux est d'entonner des cantiques sans fin
 Dessas que a gente inventava para enganar a solidāo      De ceux qu'on inventait pour tromper la solitude
                                     dos caminos sem lua                                        des chemins sans lune.


Vida                                                                                        Une vie
Nao sei                                                                                     Je ne sais pas
O que querem de mim essas arvore                                  Ce qu’attendent de moi ces arbres,
Essas velhas esquinas                                                           Ces vieux coins
Para ficarem tao minhas so de as olhar um  momento  Tellement  à  moi  d’un seul regard
Ah! Se exigerem documentos ai do otro lado,                 Ah! Qu’ils n’exigent pas des nouvelles
Extintas as otras memorias,                                                Des mémoires éteintes
So poderei  mostrar-lhes as folhas soltas de um álbum Je ne pourrai leur montrer


                                                              De imagens             Que les feuilles  éparses  d’un livre d’images
Aquí uma pedra lisa, ali um cavalo parado                      Ici une pierre lisse, là un cheval arrêté
Ou                                                                                            Ou bien
Uma                                                                                         Un
Nuvem  perdida                                                                     Nuage perdu
Perdida…                                                                                 Perdu….
Meu Deus , que modo estranho de contar uma vida!   Mon Dieu, quelle façon étrange de dire sa vie!






Eu escribi um poema triste

Eu escribi um poema triste                                  J’ai écrit un poème triste et beau
E belo , apenas de su tristeza                              D’une tristesse qui ne vient pas de toi
Nao vem de ti essa tristeza                         Mais de ce temps changeant  qui parfois nous apporte     
Mas das mudanças do tempo                             Espérance et  incertitude!
Que ora nos tras esperanças,                              Peu lui importe à ce vieux Temps
Ora nos dà incerteza…                                          Que tu sois ou non fidèle,
Nem importa ao velho Tempo,                           Moi, je suis là, témoin
Que sejas fiel o infiel…                                          Du temps qui passe,                                   
Eu ficou, junto a correnteza,                               Et je fais de tes lettres écrites,
Olhando as horas tao breves..                            Des bateaux en papier
E das cartas que me escreves,
Faço barcos de papel!





Matinal                                                                     Matinale

Entra o sol, gato amarelo e fica                          Le soleil entre, comme un chat jaune
À mina espreita, no tapete claro                        Me regarde, sur le tapis clair,
Antes de abrir os olhos, sei que o dia               Avant d’ouvrir les yeux, je sais  que derrière les arbres       
Vira olhar me por detrás das àrvores               Le jour me guette!


Ah, sentir ainda vivo sobre a face da terra      Ah! Toujours vivant sur cette terre       
Enquanto a vida me devora                               Alors que la vie me dévore
Me estrergueci, entredurmo..o anjo da luz espera-me   Je m’étire, à demie réveillé, un ange de lumière m’attend
Como alguem que vigiasse uma crisàlida        Comme s’il veillait la chrysalide 


Pé ante pé, do leito, aproximase um verso    Un pied devant, l’autre, du lit, s’approche un vers
Para a cançao de despertar                               Pour la chanson du réveil
Os ritmos do tràfego vibram como uma cigarra Les rythmes du trafic vibrent comme un cigare,
A tua voz nas minhas veias corre                     Ta voix court dans mes veines
E alguno pedazos coloridos do meu sonho    Des lambeaux colorés de mon rêve

Devem andar por ese ar, perdidos                  Flottent dans l’air, comme égarés                                                                                                                               




                                                                                                                                                                                                                                                           





Le silence
Ce monde est bien insignifiant

Des hommes, des femmes passent

Ouvrant, fermant la bouche

Comme dans un film muet

Poissons dans l'aquarium

Multitude, macaques, sautant

Aux tribunes des stades


Tout se passe comme si j'avais été un roi
 
Immobile sur son palanquin, obligé
 
De regarder d'interminables processions...
 
Décidément, mon royaume n'est pas de ce monde, 

                                    Ni de l'autre!







Inscrição para um portāo de cemitério        A la porte d'un cimetière 

Na mesmo pedra se encontram                  Dans la tradition populaire
Conforme o povo traduz                           On grave sur la pierre
Quando se nasce - uma estrela,                Une étoile pour la naissance, 
Quando se morre - uma cruz                     Une croix pour la mort.
Ma, quantos que aqui reposam                  Mais combien, reposant ici
Hão de emendar-nos assim                       Voudraient changer ainsi
"Ponham me a cruz no principio,                "Que l'on mette la croix au début,
E a luz da estrela no fim"                           Et la lumière de l'étoile à la fin"



Jardim interior                                             Le jardin intérieur
Todos os jardins deveriam ser fechados          Tous les jardins devraient être fermés
Com altos muros de um cinza muito pálido      Par de hauts murs, d'un gris très pale
Onde uma fonte pudesse cantar                     Pour qu'une fontaine puisse
Sozinha                                                      Chanter, solitaire
Entre o vermelho dos cravos                         Dans le rouge des oeillets.
O que mata um jardim nāo é mesmo               Ce qui tue un jardin n'est jamais
Alguma ausência,                                         N'est jamais quelque absence
Nem o abandono                                          Ou l'abandon.
O que mata um jardim é esse olhar vazio         Ce qui tue un jardim est ce regard vide
De quem, por eles, pasa indiferente!                Qui le traverse, indifférent!





O velho do espelho, Le vieillard au miroir 

Por acaso surpreendo-me no espelho, quem ė esse 
Que me olha e é tāo mais velho do que eu ?
Porem seu rosto... é cada vez menos estranhos..
Meu Deus, meu Deus...parece 
Meu velho Paí que já morreu 
Como pude ficarmos assi?

Un coup d'oeil au miroir, par hasard.. Quel est celui
Qui me regarde, tellement plus vieux que moi?
 Et pourtant son visage ne m'est pas étranger..
 Mon Dieu, mon Dieu, on dirait
 Mon vieux père déjà mort
 Comment cela peut-il être?

Nosso olhar -duro- interroga:
"O que fizeste de mim?!"
Eu Paí ! Tu é que me invadiste.
Lentamente, ruga a ruga…que importa, Eu so ainda, 
Aquele mesmo menino, teimoso de sempre, 
E os teus planos enfim lá se foram por terra, 
Mas sei que vi, um dia - a longa e inútil guerra!-
Vi sorrir, nesses cansados olhos, um orgulho triste…

Un regard dur interroge:
"Qu'as tu fait de moi?!
C'est toi, mon père qui m'envahi
Lentement, ride par ride….peu importe, je suis toujours
Le même enfant craintif encore
Tes projets enfin sont sous terre!
 Mais j'ai pu voir, un jour, la longue et inutile guerre!-
 J'ai vu sourir un orgueil triste dans ces yeux fatigués...




Comme dans un rêve                                                                                                  Parece um sonho    ( Mario Quintana 1953)

Elle est morte comme dans un rêve                                                  Parece um sonho que ela tenha morrido
Tous le disent: son image vivante                                                      Diziam todos, sua viva imagem
 Est bien réelle! On entend dans la brise                                               Tinha carne! Ouvia se na aragem
 Le frémissement de sa robe                                                                Passar o frémito do seu vestido
 C'est comme si elle était partie                                                              E era como se ela houvesse partido
 Pour bientôt revenir de voyage                                                              E logo fosse regresar de viagem
 Jusqu'à ce que, dans nos coeurs meurtris                                                 Até que en nosso coraçāo dorido
  La douleur enfonce son poignard sauvage!                                               A dor cravata o seu punhal selvagem

  Pourtant, ton visage, notre amour, est aujourd'hui                              Mas tua imagem, nosso amor, é agora
  Moins des yeux et plus du coeur,                                                        Menos dos olhos, mais do coraçāo
  Notre nostalgie ne pleure pas, elle sourie!                                               Nossa saudade te sorti, nāo chorra
  Tu es plus près de Dieu, comme un ange chéri                          Mais perto estes de Deus, como um anjel querido
   Les gens disent en pensant à toi: Alors,                                               Ao relembrarte a gente diz: então!
   Elle a vécu comme dans un rêve!                                                       Parece um sonho que ela tenha vivido!

  
Praça da Alfandega à Porto Alegre, écoutant Mario Quintana lire un de ses poèmes

Les mains de mon père                                                                                                 As mãos de meu pai


Tes mains aux grosses veines comme des cordes bleues       As tuas mãos tem grosses veias como cordas azuis
 Sur fond de taches aux couleurs de la terre                          Sobre um fundo de manchas já cor da terra
 Comme elles sont belles, tes mains,                                     Como são belas as tuas mãos
 Par le travail, les caresses, le frémissement                          Pelo quanti lidaram, acariciaram ou fremiram 
        des nobles colères du juste                                                                   da nobre cólera dos justos
 Par ce que tu as, dans tes mains, mon vieux père,            Porque há nas tuas mãos , meu velho paí, essa beleza 
 Cette beauté qui s'appelle tout simplement la vie.                                         que se chama simplesmente vida
A la tombée du jour, quand elles reposent.                              E, ao atardecer, quando elas reposam nos braços 
Sur les accoudoirs de ton fauteuil favori                                                                da tua cadeira predileta
Une lumière émane d'elles                                                       Uma luz parece vir de dentro delas...
Vient-elle de cette flamme, nourrie peu à peu,                             Virá dessa chama que pouco a pouco, longamente
De la terrible solitude du monde                                              Vieste alimentando na terrível solidão do mundo
Comme brindilles assemblées, embrasées dans le vent            Como quem junta uns gravetos e tenta acendê-los                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            ;                                                                                                                                       contra o vento
Ah, comme elles brûlaient bien au miracle de tes mains      Ah, Como os fizeste arder, fulgir, com o milagre de tuas   
                                                                                                                                                         mãos

C'est encore la vie qui transfigure tes mains noueuses    E é, ainda, a vida que transfigura as tuas mãos nodosas..
Cette flamme de vie qui transcende la vie elle-même       Essa chama de vida- que transcende a própria vida 
Et que les anges, un jour baptiseront…âme                     E que os anjos, um dia, chamarão de alma.







 Parado                               Le Port arrêté
No movimento                         Au mouvement 
lento                                       Lent 
Das barcaças                         Des barques
Amarradas                              Amarrées
O dia                                     Le jour
Sonolento                               Somnolent
Vai inventendo as variacoes      Invente les variations 
Das nuvens                             Des nuages

La célébration quotidienne du Por do Sol  (coucher du soleil …baiser du soir à son épouse la terre) près du Gazometro à Porto Alegre.

  O morto                                           Le mort
Eu estava dormindo                            Alors que je dormais, on m'a réveillé
E me acordaram                                 Je me suis retrouvé dans un monde étrange et fou
E me encontrei assim                          Quand j'ai commencé à le comprendre un peu
Num mundo estranho e loco                  C'était déjà l'heure de dormir encore
E quand eu começava a compreende-lo
Ja eram oras de dormir de novo

La langue française joue avec les mots à Porto Alegre


Os poemas                                                                   Les poèmes
Os poemas sao pássaros que chegam               Les poèmes sont comme des oiseaux
Nāo se sabe de onde et pousam                        Ils arrivent on ne sait d'où
No livro que lès                                                Se posent sur le livre que tu lis
Quando fechas o livro eles alçam vôo                 Et s'envolent quand tu le refermes
Como de um alçapão                                        Comme pour fuir une trappe
Eles não tem pouso                                          Ils n'ont ni port ni asile
Nem porto                                                      Ils se nourrissent un instant
Alimentam se um instante en cada pa de māos    Dans chaque paire de mains

E partem                                                        Et partent
E olhas então essas tuas mãos vazias              Tu regardes alors tes mains vides
No maravilho espanto de saberes                      Merveilleusement étonné de savoir
Que o alimento deles jà estava en ti…                Que leur nourriture était déjà en toi…







Se o poeta falar num gato                                                Que le poète parle d'un chat
Se o poeta falar num gato, numa flor                         Que le poète parle d'un chat, d'une fleur
Num vento que anda por descampados e desvios        Du vent qui souffle ici où là 
E nunca chegou na cidade..                                       Et n'arrive jamais à la ville
Se falar numa esquina mal e mal iluminada                  Qu'il parle d'un coin fort obscur
Numa antigua sacada..num jogo de dominó                 D'une terrasse antique, d'un jeu de domino
Se falar naqueles obedientes soldadinhos de chumbo    De ces dociles soldats de plomb 
                                    Que morriam de verdade..              Qui mourraient pour de vrai
Se falar na mão deprecada no meio de uma escada     Qu'il parle de la main rompue
                                                        de caracol       Sur un escalier en colimaçon

 Se falar en nada                                                      Qu'il ne parle de rien et dise simplement: tralala!
E diser simplemente tralalá.. que importa!                    Peu importe 
Todos os poemas são de amor!                                Tous les poèmes sont d'amour!



A mapa                                                        La carte 
Olho a mapa da cidade                                  Je regarde le plan de la ville 
Como quem examinasse                                 Comme un qui examine 
A anatomia de um corpo                                L'anatomie d'un corps
( E nem que fosse o meu corpo)                      ( Et si c'était mon propre corps ! )

Sinto uma dor infinita                                     J'éprouve une infini douleur 
Das ruas de Porto Alegre                                Aux rues de Porto Alegre
Onde jamais passarei                                      Où jamais je ne passerai...

Há tanta esquina esquisita                             Il y a tellement de coins exquis 
Tanta nuança de paredes                               Tellement de nuances de murs 
Há tanta moça bonita                                    Tellement de filles jolies
Nas ruas que não andei                                 Dans les rue où je ne suis pas allé.
( E há uma rua encantada                               ( Il y a aussi une rue enchantée
Que nem en sonho sonhei)                              Dont je n'ai pas même rêvé) 

Quando eu for, um dia desses                         Quand je serai, un jour, 
Poeira ou folho levada                                     Poussière ou feuille emportée
No vento da madrugada                                  Dans le vent du matin
Serei um poco de nada                                    Je ne serai qu'un peu de rien 
Invisivel, delicioso                                            Invisible, délicieux.

Que faz com que o teu ar                               Comment fais-tu pour que ton air 
Parece mais um olhar                                     Soit bien plus un regard
Suave mistério amoroso                                 Doux mystère amoureux
Cidade de meu andar                                      Ville de mes errances
( desde jà tāo longe andar)                             ( déjà bien longue errance) 
E talvez de meu repouso.                                Et, peut-être, de mon repos.

 C'est évidemment le poème de Mario Quintana le plus populaire aujourd'hui à Porto Alegre



Nocturne IV                                                                  Nocturne IV
 Aquela unica janela acesa                                                La seule fenêtre allumée
 no casario                                                                     Dans cette demeure                  
 Sou eu                                                                           C'est moi
 Aquela Balão fantasticamente familiar                             Ce balon fantastique et familier
 Subindo                                                                         Qui monte
 È a lua                                                                          C'est la lune
 Aquele grito súbito de mulher assasinado                          Ce cri soudain de femme qu'on assassine
 E o radio                                                                      C'est la radio
 Nos temos sentidos demais                                            Nous avons trop de sens
 Por que não só a cor e o contacto                                  Pourquoi pas seulement couleur et toucher…
 Que mais                                                                     Quoi de plus
  Para o amor                                                                Pour l'amour
  Palavras! Só escritas,                                                  Des mots! Seulement écrits,  
  Bastante as palavras escritas para um poema.               Des paroles pour un poème. 
  Sua musica todo interior                                               Leur musique intérieure
  Quando muito uns pianissimo sutis                               Tellement pianissimo subtil
  Que no sabes nunca se os estas ouvindo                       Que tu ne peux jamais savoir si tu les entends
  Ou só pensando neles.                                                  Ou si tu penses seulement à elles.                            


 Canção do dia de sempre                                    Chanson du jours toujours

 Tão bom vicer dia a dia                                     C'est si bon vivre au jour le jour
 A vida assim jamais cansa                               Une vie qui jamais ne lasse
 Viver tão só de momentos                                Vivre seulement des moments
 Como essas nuvens do céu                              Comme les nuages du ciel
  E só ganhar todo a vida                                 Gagner seulement de sa vie
 Inexperiencia…..esperança                                 Inexpérience et espérance
La rosa loca dos vientes                                    La folle rose des vents
Presa a copa do chapeu                                    Ornera ton chapeau
Nunca dês um nome a um rio                              Ne nomme jamais un fleuve
Sempre á otro rio a pasar                                  Il y a toujours un autre à passer
Nada jamais continua                                        Ne continue jamais
Tudo vai recomeçar                                          Tout va recommencer
Sem nenhuma lembrança                                    Sans souvenir aucun 
Das outras veces perdidas                                Des autres fois perdues

Atiro a rosa dos sonhos                                   Cueille la rose des rêves
Nas tuas mãos distraidas                                  Dans tes mains distraites




O último poema                                                          Le dernier poème
Enquanto me davam a extrema unçāo                           Alors qu'on me donnait l'extrême-onction
Eu estava distraído                                                      Je demeurai distrait
Ah, essa mania incorrigível de estar                               Ah, cette manie de toujours
     ( pensando sempre noutra coisa!)                              ( penser à autre chose) 
Aliás tudo ė semper outra coisa                                   D'ailleurs, tout est toujours autre chose
     -Segredo da poesia-                                                      -Secret de  poésie-  
E enquanto a voz do padre zumbia como um besouro     la voix du père bourdonnait comme un scarabée
Eu pensava era nos meus primeiros sapatos                Et Je pensais à mes premières chaussures
Que continuavam andando, que continuavam andando   Qui continuaient de marcher, marcher
Até hoje                                                                    Jusqu'à aujourd'hui
Pelos caminos deste mundo                                        Sur les chemins de ce monde






Cançāo da primavera  
                                                                                        Chanson du printemps

 Primavera cruza o rio                                                              Printemps a passé le fleuve
 Cruza o sonho que tu sonhas                                                   Passé le rêve que tu rêves
 Na cidade adormecida                                                             Dans la ville endormie
 Primavera vem chegando                                                          Le printemps arrive
 Cata vento enloqueceu                                                             La girouette en folie
 Ficou girando girando                                                              Tourne, tourne sans cesse 
 Dancemos todos en bando                                                       Nous dansons tous en rond
 Dancemos todos, dancemos                                                     Nous dansons, dansons tous
 Amadas, mortos, amigos                                                          Des amis, des morts, des amours
 Dancemos todos até                                                                Nous dansons tous jusqu'à..
 Não mais saber-se o motivo                                                       N'en plus savoir la cause

 Até que as paineiras tenham                                                     Jusqu'à ce que les paineiras
 Por sobre os muros florido                                                       Fleurissent par dessus les murs.  



O poeta canta a si mismo                                                        Le poète chante pour lui-même

O poeta canta a si mismo                                                         Le poète chante pour lui-même 
Porque nele é que os olhos das amadas                                       Car c'est en lui que les yeux des aimées
Tem esse brilho a un tempo inocente e perverso                            Ont ce brillant innocent et pervers

O poeta canta a si mismo                                                           Le poète chante pour lui-même 
Porque num seu único verso                                                        Car dans son vers unique 
Pende - lúcida, amarga-                                                              Repose - lucide, amère-
Uma gota fugida a esse mar incessante do tempo            Une goutte échappée à la mer incessante du temps

Porque seu coração é uma porta batendo                                      Car son coeur est une porte qui bat
A todos os ventos do universo                                                    A tous les vents de l'univers
Porque alem de si mismo ele nāo sabe nada                                  Car au-delà de lui, il ne sait rien
Ou que Deu por nascer esta tentendo ansiosamente                  Du dieu naissant qui tente anxieusement 
                                                 respirar                                                                      de respirer
Neste seu pobre ritmo disperso                                                      Son pauvre rythme dispersé
O poeta canta a si mismo                                                             Le poète chante pour lui-même 
Porque de si mismo é diverso                                                        Car il est lui même diversité



" O secreto e nao correr atras das borboletas, e cuidar do jardim para que eles venham ate voce"

Le secret est de ne pas courir après les papillons mais de prendre soin du jardin pour qu'ils viennent jusqu'à vous"