À midi je me trouvais à Pareditas, à quelques 120 km de Mendoza ,
devant moi un chemin complètement plat, je pouvais espérer y arriver.
J'ai pédalé durement et vers huit heures du soir j'étais à la maison de
mon oncle Eduardo et de ma tante Verónica, avec qui je suis resté
quatre jours. Chez eux, je me suis senti comme à la maison, nous avons
mangé de bonnes grillades, ils m'ont permis de connaître la belle histoire
de la cité historique de Mendoza, berceau de la fameuse armée des
Andes, celle qui, il y a bien des années traversa à pied la cordillère lors
d'une marche culminant à 3800 m d'altitude pour venir en aide au Chili
dans sa guerre d'indépendance contre les Espagnols...
c'est par ce même chemin que je suis retourné dans ma patrie, mon cher
Chili !
Epilogue: Un
dernier effort, un rêve s'achève, je rentre à la maison, je
retrouve mon cher Chili!
Sans
que je m'en rente compte, le temps a passé. Ce que j'envisageai
comme un voyage d'un an est devenu presque deux ans et demi
d'efforts. De bons moments que je n'échangerais pour ríen au monde,
pendant lesquels j'ai tenté de connaître les coins et les
recoins de l'Amérique Latine, ses habitants, ses saveurs….et
trouvé quelque chose que je ne cherchais pas, que je n'avais pas
perdu: l'amour!
Ma
dernière nuit en Argentine, je contemple le ciel depuis les hauteurs
de la Cordillère des Andes, il est dégagé et mes rêves sont dans
les étoiles….J'ai dit une fois à Alejandra que la lune, lorsque
je la regardais me faisait souvenir d'elle, de son sourire et
son visage d'enfant joyeux. En ce moment je la vois dans le ciel et
mon coeur est plein d'espérances. Demain j'entrerai au Chili et
entamerai la dernière étape de ce rêve que j'avais en tête depuis
si longtemps et qui se trouve bien proche de son accomplissement.
Je
suis enfin rentré au Chili, fatigué d'une traversée de la
Cordillère par un des cols les plus fréquentés de camions: Le Paso
" los libertadores". enclavé dans les hauteurs et
surveillé par les condors, gardiens de ces vieilles montagnes. La
cordillère était enneigée, une tempête venait de la frapper
quelques jours avant. J'ai entamé ma descente vers mon pays à en
endroit nommé Caracoles (escargots), une longue descente de
vingt-neuf lacets faisant honneur à son nom, dans laquelle j'allais
d'un côté à l'autre et vice versa, pour arriver rapidement à mon
but: "Los Andes", la première ville chilienne.
En
arrivant dans cette ville j'en ai fait le tour et bavardé avec des
gens qui traînaient. J'ai eu droit, après avoir raconté mes
histoires à tata Beto, dans la maison de mes grand-parents, à un
bon repos que j'attendais depuis longtemps.
J'ai
pris alors la route de Villa Alemana , par des petites
routes peu fréquentées, ce qui m'a permis de découvrir un Chili
que la grande majorité des Chiliens ne connaissent pas : un Chili
pauvre où le miracle américain n'est pas arrivé, où le jaguar de
l'Amérique latine est un petit chat qui a besoin d'un biberon pour
être alimenté. Surpris par une pauvreté que je ne savais pas
exister dans mon pays, je suis revenu à la maison de mes
grands-parents. J'étais sale, fatigué, j'avais perdu pas mal de
kilos, mais j'étais seulement à 1500 km de ma maison.
J'ai
profité de deux jours pour me reposer et partager un peu de temps
avec la famille.. Finalement c'est la chose la plus importante, il
faut savoir vivre en famille les moments importants qu'ils soient
bons ou mauvais. C'est un bon investissement du temps qui nous est
donné.
…
Ensuite
j'ai poursuivi ma route vers le nord en passant par l'intérieur de
la quatrième région : des endroits situés en altitude où on
est toujours à monter ou descendre. J'ai été surpris par la beauté
des lieux que je ne pensais pas aussi remarquable. Les vertes vallées
irriguées par des rivières contrastaient avec la couleur sableuse
de montagne, rendant ces paysages remarquables.
Et
pourtant lors de ces retrouvailles, le Chili m'a semblé un pays
étrange, isolé de l'Amérique latine. Un désert dans le Nord et la
cordillère des Andes à l'est sont des murailles qui depuis des
temps immémoriaux ont maintenu ce pays dans un état
d'isolement. Cette caractéristique a d'une certaine manière
influencé sa population. Ici je n'ai jamais pu me faire loger chez
les pompiers, ce qui avait très bien marché ailleurs comme
stratégie de secours. Même chose dans les zones publiques où il a
été impossible de contacter le responsable pour pouvoir dormir dans
un endroit sur. Quelque chose ne fonctionnait pas! Est-ce que les
gens d'ici ne voyait pas l'intérêt de soutenir un projet aussi fou
que celui de parcourir l'Amérique Latine en pédalant? Est-ce que
les très dures journées et ma tête fatiguée rendaient
mon apparence peu rassurantes? Est-ce que les gens du coin ne
supporte absolument pas les étrangers? Ces questions ont tourné
dans ma tête jusqu'à ce que finalement je me décide à me déplacer
de manière totalement indépendante.
Le
ciel et les étoiles furent mon toit, les condors et les animaux
mes gardiens, les rivières et cascades mes réserves d'eau…. le
temps était revenu de prendre contact avec la nature en communion
avec mes pensées subtiles à un niveau plus intéressant...
La
première vallée que j'ai parcouru a été la "Valle
del Choapa. ", après avoir traversé la montagne et un
tunnel très obscur situé à son sommet, j'ai laissé derrière
moi la cinquième région. Les paysages sont rapidement devenus semi
arides avec des cactus couvrant les montagnes. Je me suis immergé
lentement dans ce bel endroit du pays. Un village
pittoresque, Combarbalá, a retenu beaucoup mon
attention: il avait des maisons d'adobe avec un aspect colonial qui
n'est pas habituel au Chili. Je me suis assis sur la" Place
d'armes" pour manger en compagnie d'anciens qui m'ont raconté
quelques histoires de ce genre:
"-
Dans ce village vivait une famille qui avait fait un pacte avec le
diable. Ils sont devenus riches en une nuit.
Vous
croyez à ces pactes avec le diable ?
Bof….
c'est une question difficile! Lui-ai je répondu ! Ce sont des sujets
qui ne m'intéressent pas!
On
raconte que dans les environs de village sont cachés de grands
trésors depuis la période de la guerre du Pacifique contre le
Pérou et la Bolivie….
Vous
savez où on peut les trouver?
Oh
non, ils sont bien cachés
Vous
croyez qu'elles sont réelles ces légendes de trésors?
Bien
sûr que j'y crois, pendant ces guerres se commettent tellement
d'injustices et d'atrocités insensées.
« Un
trésor ou une relique volée et ensuite enterré, c'est parfaitement
possible!
Il
y a bien longtemps j'ai fait mon service militaire »... ( le
vieux se souvenait parfaitement du noir des bataillons, des
escadrons, des lieux d'entraînement, des conflits) « On allait
dans la montagne pour veiller à ce que les Boliviens ne
traversent pas la rivière.... »
Le
vieil homme m'a parlé pendant une bonne heure, me racontant chaque
détail de ce qui était arrivé, je l'écoutais attentivement. Des
scènes historiques, des anecdotes non officielles, toujours
intéressantes à découvrir….Au bout d'un moment Il finit par
avoir faim et rentra dans sa maison pour déjeuner…
J'ai
continué mon chemin par les vertes vallées, les montagnes sèches
pleines d'histoires et de mystères, ornées des oeuvres artistiques
d'antiques civilisations.
De
dures étapes de cent kilomètres où je me levais tôt et ne lâchais
Rocinante qu'aux derniers rayons du soleil. Plus j'avançais, plus
les surface des vignobles destinées à l'élaboration du Pisco et
couvrant les vallées augmentaient en même temps que les montagnes
apparaissaient plus sèches dans les hauteurs. La nuit, le ciel était
de plus en plus limpide, révélant toujours plus d'étoiles sur la
voute céleste.
Le
cinquième jour, à la nuit tombante, je me trouvais au passage d'un
col, j'ai regardé mon GPS pour vérifier l'altitude et j'ai eu la
surprise de constater que j'étais à 2000 mètres . Je me suis
demandé à quel moment j'avais bien pu monter autant!
Le
village suivant se trouvait à 30 km, à côté du col, il y
avait un abri avec un toit. J'ai pris la décision de dormir en plein
air à cet endroit sans monter ma tente, les yeux dans les
étoiles qui dessinaient dans les constellations le visage
d'Alejandra. La beauté de ces étoiles m'émerveillait , les heures
passaient, la nuit s'obscurcissait et j'étais là, regardant le ciel
.
Soudain
une étoile filante est apparu, elle s'approchait rapidement. Je me
suis dit: c'est une bonne occasion pour faire un voeu! L'étoile
grossissait.." Je voudrais embrasser sur la bouche ma belle
colombienne"…. L'étoile continuait à grossir! Mais que se
passait-t-il ? Voici qu'elle atteignait presque la taille d'un ballon
de football, je commençais à avoir peur, j'avais devant les yeux
quelque chose d'inconnu, elle prit rapidement une couleur verte et
subitement disparue….. la peur était passée, il ne me restait
plus que l'émerveillement. Ces vallées ont réellement une
atmosphère mystique peu commune!
Le
jour suivant, j'ai parcouru la vallée " del Elqui",
très belle et très touristique., j'ai pris la direction
de. Cochihuaz. On m'avait parlé dans cet endroit d'une
gigantesque roche de magnétite, la pierre sacrée des Incas et
d'autres peuples indigènes qui ont vécu ici. Des manifestations
d'art rupestre, un peu plus loin une marque du diable selon les
croyances locales. En sortant de ce village j'ai voulu aller dormir
à Monte Grande, a seulement une quinzaine de kilomètres.
C'est un endroit connu dans le monde entier car c'est là que
Gabriela Mistral grand écrivain du Chili et prix Nobel de
littérature à réalisé son oeuvre. Une petite rivière
fraîche et charmante traverse le village irriguant les vignobles. Je
me suis installé pour dormir sur ses berges, la magie de cette
vallée couronnée de montagnes sèches faisait de cet instant un
moment mémorable. Il y avait déjà installé là, trois
personnages : El Hippie chico, El Pelao y la Rusia. Ces
personnes vivaient dans la rue et se faisaient appeler ainsi.
Nous
avons préparé ensemble et partagé le repas du soir. Pendant
que nous mangions, el Pelao m'a offert un T-shirt. Je lui ai répondu
qu'il n'avait pas à s'inquiéter, j'avais tout ce dont j'avais
besoin dans mes sacoches.. nous avons continué notre repas.
Je
pensais repartir le lendemain matin mais "La Rusia" m'a
invité à déjeuner avec lui pour qu'on parle un peu ensemble de nos
vies, j'ai accepté.
-Je
suis sociologue m'a dit "el hippie chico", un homme de la
cinquantaine - mais je n'ai jamais aimé les bureaux et la vie qu'on
m' imposait, j'ai travaillé quelques années et puis ensuite je me
suis mis à fabriquer à vendre des objets artisanaux, je suis un
homme de la rue et j'ai choisi cette vie.
-Je
me demandais en mon for intérieur s'il disait réellement la vérité:
à en juger par son allure il ne restait plus rien de l'intellectuel
qu'il avait pu être autre fois, et en poussant un peu plus loin
l'analyse je lui demandais quel but il poursuivait dans la vie?
-
je ne sais pas, je sais seulement qu'il y en a qui croient que le
bonheur repose sur l'accumulation de choses, d'argent, de succès,
mais cela ne fait que créer plus de besoins et de dépendance. Il se
pourrait que le mieux soit de vivre la vie comme on le souhaite, en
aidant les autres et par cela même en s'aidant soi-même
-
Mmm.! Pensais-je, cet homme pense clairement et il semble que la rue
lui ai enseigné beaucoup de choses. Tout en y vivant, il a
pris le temps de penser à ce qu'il allait faire de sa vie. Il n'a
pas suivi le courant..l.
-
J'ai alors demandé aux autres ce qu'ils faisaient de leur vie.
-
On fait des jongleries aux feux des croisements, on gagne notre vie
comme ça le jour, et la nuit, on met nos tentes près d'une station
service, on est obligé de se lever avant 8 heures du matin, après
c'est le passage des éboueurs.
-Et…vous
restez habituellement dans la même ville?
-Non,
là on est à La Serena, on est venu ici pour voir la "Valle
del Elqui", on ne peux pas vivre à La Serena et ne pas
connaître ça! me dit" La Rusia" avec un énorme
sourire!..Mais normalement on voyage, on a été à Iquique,
Antofagasta, Copiapo, Viña del Mar….Quand on
en a marre d'un coin, on s'en va dans un autre!…Et toi, qu'est ce
que tu fais par ici?
-Découvrir
l'Amérique latine, faire un petit tour à vélo!
Nous
avons continué à bavarder et à rire pendant des heures, leur
regard sincère, leur joie de vivre le moment présent sans se
préoccuper du lendemain les rendait agréable à vivre. Ils m'ont
accepté comme j'étais, eux qui, souvent, souffrent de
discrimination dans les rues!
Après
un bon déjeuner, j'ai repris ma route, j'ai descendu cette vallée
de montagnes désertiques, de vignobles et de gens sympathiques, je
suis arrivé à la nuit tombante à Vicuña.
J'étais
déjà passé par ce village queques jours avant, je connaissais un
bon coin pour camper, près d'une station service.
« Oh
là non garçon, qu'est-ce que tu fais ici avec ce velo, installe ta
tente à côté de la mienne, comme ça on se protégera les ivrognes
des voleurs! » C'est Christian qui m'invite, un autre
homme de la rue qui vend des ceintures de cuir, travail de
prisonniers!
Une
occasion de plus de partage avec des gens pauvres et sans logement,
des personnes dont on a souvent peur et qui pourtant s'efforcent de
trouver une forme de vie, la société les a marginalisées. La
situation de cet homme était assez différente des trois autres. Il
se trouvait là pour faire un peu d'argent et l'envoyer à sa famille
dans le sud du Chili. Sa maison était là-bas. Pourtant, quand il
partait travailler, la rue était son foyer car le peu d'argent qu'il
gagnait était entièrement destiné au bien-être de sa
famille.
-je
me disais que décidément la rue était pleine de gens bien, et que
la société était cruelle…Cette habitude de ne pas accepter tout
le monde…!
Tôt
le matin je me suis mis en route pour me rendre à La Serena,
rendre visite à mon oncle Pablo et à sa famille. Je suis resté là
deux jours pour me préparer à la dernière étape de mon aventure.
Et puis mon oncle m'a accompagné sur quelques kilomètres un peu
après la sortie de la ville.
Je
suis à 870 km de mon foyer, de mes parents, dans 7 jours j'arriverai
à Antofagasta et "Pedaleando latinoamerica" sera
terminé. Il me reste à traverser le désert d'Atacama, Un
des lieux les plus arides de la planète, avec des endroits dans
lequel il n'est pas tombé une goutte d'eau depuis plus de 400 ans,
et en plus….pas mal de montées et de descentes!
Pendant
sept jours j'ai parcouru ce désert, comme toujours par des chemins
de traverse.
Arrivé
à Vallenar, j'ai préféré continuer vers le nord en suivant
la côte. Cette combinaison de montagne, de désert et de mer est
unique et c'est une excellente occasion pour profiter de la beauté
de ce type de paysage
J'ai
parcouru pendant trois jours des pistes monotones et néanmoins
belles et pleines de vie.. Des troupeaux de Guanacos, jamais
domestiqués, filaient vers les montagnes ou la mer sur le passage de
Rocinante, les cactus décoraient de vert les plaines, des
Charognards survolaient ma tête attendant peut-être que je
m'écroule terrassé par la soif. Il ne savaient que pas que j'avais
le cœur enflammé, que je ne me soumettrai pas au désert! Mon rêve
était sur le point de se réaliser, cela me donnait des forces pour
affronter cette dernière étape qui , sans aucun doute m'a poussé à
mes extrêmes limites.
A
seulement 70 km d'Antofagasta, sur la route principale, je me suis
arrêté devant cette sculpture qu'on appelle" la main du
désert", j'ai appelé mon père pour lui dire que j'étais
proche, j'en ai profité pour manger quelques galettes, et récupérer
toute l'énergie qui me restait, je suis reparti.
Là
ce n'était pas facile, car la route était devenu un enfer,
parcourue de gros camions, mais c'était sans importance,
j'approchais de mon but!
J'avançais
lentement, tour de pédale après tour de pédale, le corps près de
défaillir, jusqu'à ce qu'un panneau sur la gauche annonçant
Antofagasta, signale le début d'une descente jusqu'à ma maison.
Des
véhicules claxonnais quand je suis entré dans la ville, ma soeur,
ma mère et ma petite nièce étaient là pour me saluer et me donner
du courage pour ce qui restait à rouler….Embrassades, embrassades!
A
trois kilomètres de la maison, le soleil commençait à prendre une
couleur rouge en touchant l'océan dans le lointain, cherchant un
coin pour passer la nuit…Je ne pouvais espérer un meilleur moment
pour mon arrivée. Ce magnifique coucher de soleil en famille, ce
vendredi 30 mai 2014, l'aventure " Pedaleando Latino America"
était terminée!
J'avais
derrière moi 23 pays, 29.023 kilomètres de pédalage.
Que d'expériences vécues sur les terre de notre continent. Un lent
voyage au travers des forêts, des déserts, des montagnes, depuis le
Chili jusqu'au Mexique. Je peux dire que j'ai acquis quelques
connaissances de notre héritage, de nos tradition, que je connais un
peu notre population, depuis les indigènes qui habitent au
coeur de l'Amazonie jusqu'à des personnes porteuses d'importantes
responsabilités. J'ai appris quelque chose et fais un petit pas dans
ma vie !