dimanche 2 août 2015

La traduction...un retour en enfance?

Retour en enfance

Au fil de mes traductions pour GV, j'ai pris conscience d'un phénomène que le grand linguiste Ferdinand de Saussure a fort bien analysé au début du XXe siècle. 
Lorsque que je veux traduire un texte d'une langue quelconque vers le français, j’ai l’impression de passer directement de l'une à l’autre, dans la mesure où je connais le sens de tous les mots d’une phrase. 
En réalité si je pratique un minimum d’introspection, d'observation de ce qui se passe dans ma tête, ce n'est jamais de cette façon que cela se passe.

Il y a toujours de façon plus ou moins consciente, une phase, une étape intermédiaire d’une importance capitale, un moment où les mots disparaissent physiquement pour être remplacés par des archétypes, des concepts, des modes de comportements humains, des sensations, des sentiments….c’est la déverbalisation, le moment où pour reprendre les termes de Saussure, on extrait le signifié du signifiant le concept de l’image acoustique. Celà peut sembler désuet, superflue…et pourtant, je suis certain que cette phase est inscrite dans la physiologie du cerveau humain, dans la fonction même du langage. 

Il y a autre chose qu’on ne trouve pas dans le Cours de linguistique générale de notre cher Ferdinand! C’est une hypothèse qui m’a été inspirée par une expérience fructueuse de « triple Papy » ces six dernières années!
J’ai l’impression que la démarche que notre cerveau réalise lors de ces étapes de déverbalisation est un retour en arrière, un retour en enfance, à nos trois premières années d’existence, à l’époque où nous étions totalement immergés dans les archétypes, les sensations primaires, à l’écoute de notre corps…

Tout se passe comme si le cerveau remontait aux structures ancestrales de la préverbalisation, à la naissance du langage préverbal, du jargon du bébé de 18 mois où le signifié est bien plus riche et précis que le signifiant très personnel et non encore formalisé ( reflétant pourtant déjà de façon extraordinaire des traits de caractère qui seront ceux du futur adulte).

Anatomiquement, on peut presque imaginer les circuits, les zones cérébrales qui s’activent alors, mais les outils de l’imagerie fonctionnelle cérébrale ne sont pas encore capable de montrer précisément la complexité de ce mécanisme. 

Alors j’ai parlé de traduction écrite, de rédaction d’un texte, mais lorsque nous lisons, nous écoutons une langue qui n’est pas notre langue maternelle, que se passe-t-il? A mon avis, il n’y a pas de raison pour qu’il y ait une différence, sauf que lorsque nous restons dans une même langue, nous avons un accès immédiat, plus ou moins rapide suivant notre expérience de cette langue, du signifiant ( de l’image acoustique) au signifié ( le concept) qui nous permet de comprendre, d’entendre la situation…alors que le chemin est plus long et plus complexe qui nous mène d’un signifiant au signifié pour retourner vers un autre signifiant dans une autre langue, en l’occurence le français. 

Et ce n’est pas tout, s’agissant d’un langage écrit, il devra satisfaire à des normes, une esthétique, un équilibre de la phrase propre à la langue française et que nous ressentons d’autant plus que nous avons le plus tôt possible mis le nez dans des livres…et surtout bien avant été bercés le soir par les histoires lues ou inventées ( j'ai assez souvent pratiquée récemment L'improvisation sur des thèmes récurrents de la littérature infantile, des histoires sans livre avec tous les rites et le rythme  amenant progressivement au sommeil paisible. 
Bonne nuit les petits!
Henri Dumoulin
Saint-Nicolas les Arras ,  le 2 août 2015  s