lundi 2 novembre 2015

Lumière, lumières.



19 octobre 2015, au collège de France, la devise " Docet Omnia" ( Enseigne tout ! )  
est plus que jamais à l'ordre du jour.

Au programme aujourd'hui: " Les métamorphoses de la lumière", pendant quelques heures, j'ai été "ravi" par la musique angélique émanant d'un quatuor de surdoués



Premier mouvement: Allegro décisivo : Marc Fontecave qui dirige un labo travaillant depuis le début des années 2000 sur des enzymes naturels chez certaines bactéries, les déshydrogénases...kezako? 

:Outil génial pour extraire l'hydrogène de l'eau et l'utiliser pour n'importe quoi, nous on aimerait l'avoir comme carburant, c'est carrément le moteur qui fonctionne à l'eau, Jules Vernes dans son roman : l'île mystérieuse, entrevoyait cette possibilité, en faisant même dire à son héros:"non pas l'eau, mon cher, mais l'hydrogène que nous en extrayions, source inépuisable d'énergie car lorsque nous le brûlons il redonne de l'eau à la nature c'est le cycle vertueux de l'eau! " 
Pour Marc Fontecave et son équipe, c'est le rêve de Jules Vernes qui commence à s'incarner dans la réalité 
. Il imagine en effet un maison type en Europe qui tirerait l'intégralité de son énergie de 2,3 litres d'eau par jour et 55m2 de panneaux solaires ( chiffres à diviser par 4 dans les pays en voie de développement, comment faire? Rien de plus facile: vous utilisez l'énergie solaire pour activer des bains à très haut rendement de déshydrogénases ( infiniment plus efficace que l'électrolyse classique pour ce type d'installation domestique), vous stockez l'oxygène et l'hydrogène produit, et vous les utilisez dans des piles a combustible en fonction des besoins, vous rendez ensuite l'eau à la nature!



! Marc Fontecave a malgré tout les pieds sur terre, il travaille en collaboration avec d'autres labos comme celui de Clément Sanchez ou de Monsieur Tarascon ( j'ai suivi leur progrès depuis plusieurs années grâce au collège de France ), il sait que c'est un défit énorme, que le cheminement ne se fera pas en fonction d'objectif souhaités par les politiques, mais au fil de " sauts technologique qui surviennent inopinément suivant le cheminement de recherches ouvertes...( voir ma théorie des biefs). 

Il nous explique chaleureusement: " Ce ne sera peut être pas pour 2050, ce sera peut être 2100, mais rien à craindre, on y arrivera !!!" J'adore entendre ça! 

Pour les piles à combustible , le défit principal est ici de ne pas utiliser des métaux nobles, trop rares comme le platine jusqu'à maintenant, mais de préférence le cuivre par exemple sous forme de nanotubes éventuellement ...l'alliance d'enzymes type hydrogénases et des nanotubes ou nanoparticules, c'est  le travail main dans la main des équipes de Marc Fontecave , Clément Sanchez...et Tarascon .








Deuxième mouvement, staccato sostenuto.......la lumière sur des molécules
vivantes isolées !


Un enfant de l'université de Standford, Monsieur Moerner, très british, à l'anglais élégant et fort compréhensible, prix Nobel de physique en 2014  ( c'est le troisième prix Nobel depuis hier que j'entends s'exprimer dans ce séminaire....) . Lui et son équipe qui pratiquent avec brio l'humour dans la métaphore, sont les pointillistes du quatuor à l'instar des peintres Signac ou Seurat, la différence c'est que leurs tableaux sont des structures vivantes observées fort impudiquement dans leurs ébats au niveau de quelques dizaines de nanomètres et donc des molécules, de petits paquets d'atomes....

On sait déjà observer la matière jusqu'au niveau de l'atome avec les microscopes à rayons x mais le traitement est incompatible avec la persistance de la vie, ici le défit colossal a été d'observer à cette échelle la vie qui continue, donc en utilisant des microscopes optiques,  il a été nécessaire de passer à une super-résolution des instruments en utilisant des balises ( beacons) moléculaires fluorescentes et en travaillant en pointillistes grâce à des modèles mathématiques et aux possibilités des logiciels informatiques actuels......le résultat, en trois dimensions, est à couper le souffle lorsque l'on voit se déplacer en temps réel certains éléments moléculaires ( comme par exemple le matériel génétique ou des complexes moléculaires spécialisés dans une fonction précise que l'on souhaite observer en temps réel )  à l'intérieur d'une bactérie en fonction de stimulations diverses....



Troisième mouvement adagio moderato, lumières des Boudhas et poussières du monde dans la poésie ....

Jean Noël Robert, l'orientaliste de service au collège, il joue sur des partitions anciennes, souvent 2000 ans, les lumières du Boudha, il est question très poétiquement, de l'assimilation par le Boudhisme débarquant au Japon, des dieux anciens, de la mythologie de ce pays.


Il a travaillé sur l'émergence du rapport particulier de ce pays au soleil ( premiers traces formelles de cette relation vers 712, 720), sa partition est ponctuée de poèmes

" Tandis que je contemple la vaste plaine du ciel au mont de Mikasa, tout près de Kasuga, est-ce bien la lune qui s'est levée...?"

" A un coude de la rivière du soleil, arrête ta monture, fait la boire un instant, et tu pourras entrevoir son reflet...."

" la lune en sa clarté, que je la contemple, au mont du chemin des dieux, où, les nuages dissipés, elle va paraître....!" 

Ces deux dernières lignes sont d'un certain Go Toba, empereur retiré ...et date de 1208!

" De l'adoucissement de sa lumière, au surplus de clarté, surgit sur le fleuve Isuzu ( Isuzu Kawa no) la lune d'une nuit d'automne!

Ce dernier est de Jien ( 1155, 1225). Un duo, un pas de deux où la lune et le soleil rivalisent de lumière ......un ravissement encore! 


Quatrième mouvement , largo moderato, pianissimo, par moment...la lumière, une vibration dans le regard du peintre: 
Pascale Hemery, artiste peintre, elle est là, assise, pas très à l'aise, lisant son texte pendant que quelques tableaux , moins de dix, des images de villes, transfigurées par son regard,  illustrant sa réflexion, défilent  sur l'écran.



" j'expérimente la matière sans éprouver le besoin d'exprimer ce que je fais....mon désir et mes gravures transfigurent ce que je vois, mon but ultime est de vivifier mes œuvres en les donnant à voir.....en faisant en sorte que le spectateur soit littéralement absorbé par l'image, qu'il la fasse sienne, que le temps s'arrête, que la pensée se fige.....ne reste alors que la lumière ».









1 commentaire:

  1. Très intéressant. On a envie d'aller faire un tour dans la plus vieille institution savante de France ( François premier ?).
    Jean-Marie

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