19
octobre 2015, au collège de France, la devise " Docet Omnia"
( Enseigne tout ! )
est
plus que jamais à l'ordre du jour.
Au
programme aujourd'hui: " Les métamorphoses de la lumière",
pendant quelques heures, j'ai été "ravi" par la musique angélique émanant d'un quatuor de surdoués
Premier
mouvement: Allegro décisivo : Marc Fontecave qui dirige un labo
travaillant depuis le début des années 2000 sur des enzymes
naturels chez certaines bactéries, les déshydrogénases...kezako?
:Outil génial pour extraire l'hydrogène de l'eau et l'utiliser pour
n'importe quoi, nous on aimerait l'avoir comme carburant, c'est
carrément le moteur qui fonctionne à l'eau, Jules Vernes dans son
roman : l'île mystérieuse, entrevoyait cette possibilité, en
faisant même dire à son héros:"non pas l'eau, mon cher, mais
l'hydrogène que nous en extrayions, source inépuisable d'énergie
car lorsque nous le brûlons il redonne de l'eau à la nature c'est
le cycle vertueux de l'eau! "
Pour Marc Fontecave et son équipe,
c'est le rêve de Jules Vernes qui commence à s'incarner dans la
réalité
. Il imagine en effet un maison type en Europe qui tirerait
l'intégralité de son énergie de 2,3 litres d'eau par jour et
55m2 de panneaux solaires ( chiffres à diviser par 4 dans les pays
en voie de développement, comment faire? Rien de plus facile: vous
utilisez l'énergie solaire pour activer des bains à très haut
rendement de déshydrogénases ( infiniment plus efficace que
l'électrolyse classique pour ce type d'installation domestique),
vous stockez l'oxygène et l'hydrogène produit, et vous les utilisez
dans des piles a combustible en fonction des besoins, vous rendez ensuite l'eau à la nature!
!
Marc Fontecave a malgré tout les pieds sur terre, il travaille en
collaboration avec d'autres labos comme celui de Clément Sanchez ou
de Monsieur Tarascon ( j'ai suivi leur progrès depuis plusieurs années grâce
au collège de France ), il sait que c'est un défit énorme, que
le cheminement ne se fera pas en fonction d'objectif souhaités par
les politiques, mais au fil de " sauts technologique qui
surviennent inopinément suivant le cheminement de recherches ouvertes...( voir ma
théorie des biefs).
Il nous explique chaleureusement: " Ce
ne sera peut être pas pour 2050, ce sera peut être 2100, mais rien à
craindre, on y arrivera !!!" J'adore entendre ça!
Pour
les piles à combustible , le défit principal est ici de ne pas
utiliser des métaux nobles, trop rares comme le platine jusqu'à
maintenant, mais de préférence le cuivre par exemple sous forme de
nanotubes éventuellement ...l'alliance d'enzymes type hydrogénases
et des nanotubes ou nanoparticules, c'est le travail main dans
la main des équipes de Marc Fontecave , Clément Sanchez...et
Tarascon .
La première pile à combustible sans métaux nobles ( fabriqués avec de métaux abondant sur la terre comme le cuivre par exemple et susceptible d'être produite à bon marché) a fonctionné cette année, il faut encore améliorer son rendement, mais on est sur le bon chemin...
Deuxième
mouvement, staccato sostenuto.......la lumière sur des molécules
vivantes isolées !
Un
enfant de l'université de Standford, Monsieur Moerner, très
british, à l'anglais élégant et fort compréhensible, prix Nobel
de physique en 2014 ( c'est le troisième prix Nobel depuis
hier que j'entends s'exprimer dans ce séminaire....) . Lui et son
équipe qui pratiquent avec brio l'humour dans la métaphore, sont les
pointillistes du quatuor à l'instar des peintres Signac ou Seurat,
la différence c'est que leurs tableaux sont des structures vivantes
observées fort impudiquement dans leurs ébats au niveau de quelques
dizaines de nanomètres et donc des molécules, de petits paquets
d'atomes....
On
sait déjà observer la matière jusqu'au niveau de l'atome avec les
microscopes à rayons x mais le traitement est incompatible avec la
persistance de la vie, ici le défit colossal a été d'observer à
cette échelle la vie qui continue, donc en utilisant des microscopes
optiques, il a été nécessaire de passer à une
super-résolution des instruments en utilisant des balises ( beacons)
moléculaires fluorescentes et en travaillant en pointillistes grâce
à des modèles mathématiques et aux possibilités des logiciels
informatiques actuels......le résultat, en trois dimensions, est à
couper le souffle lorsque l'on voit se déplacer en temps réel
certains éléments moléculaires ( comme par exemple le matériel
génétique ou des complexes moléculaires spécialisés dans une
fonction précise que l'on souhaite observer en temps réel ) à
l'intérieur d'une bactérie en fonction de stimulations diverses....
Troisième
mouvement adagio moderato, lumières des Boudhas et poussières du
monde dans la poésie ....
Jean
Noël Robert, l'orientaliste de service au collège, il joue sur des
partitions anciennes, souvent 2000 ans, les lumières du Boudha, il
est question très poétiquement, de l'assimilation par le Boudhisme
débarquant au Japon, des dieux anciens, de la mythologie de ce pays.
Il
a travaillé sur l'émergence du rapport particulier de ce
pays au soleil ( premiers traces formelles de cette relation vers 712, 720), sa
partition est ponctuée de poèmes
"
Tandis que je contemple la vaste plaine du ciel au mont de Mikasa,
tout près de Kasuga, est-ce bien la lune qui s'est levée...?"
"
A un coude de la rivière du soleil, arrête ta monture, fait la
boire un instant, et tu pourras entrevoir son reflet...."
"
la lune en sa clarté, que je la contemple, au mont du chemin des
dieux, où, les nuages dissipés, elle va paraître....!"
Ces
deux dernières lignes sont d'un certain Go Toba, empereur retiré
...et date de 1208!
"
De l'adoucissement de sa lumière, au surplus de clarté, surgit sur le
fleuve Isuzu ( Isuzu Kawa no) la lune d'une nuit d'automne!
Ce
dernier est de Jien ( 1155, 1225). Un duo, un pas de deux où la lune
et le soleil rivalisent de lumière ......un ravissement encore!
Quatrième
mouvement , largo moderato, pianissimo, par moment...la lumière, une
vibration dans le regard du peintre:
Pascale
Hemery, artiste peintre, elle est là, assise, pas très à
l'aise, lisant son texte pendant que quelques tableaux , moins de
dix, des images de villes, transfigurées par son regard, illustrant
sa réflexion, défilent sur l'écran.
"
j'expérimente la matière sans éprouver le besoin d'exprimer ce que
je fais....mon désir et mes gravures transfigurent ce que je vois,
mon but ultime est de vivifier mes œuvres en les donnant à
voir.....en faisant en sorte que le spectateur soit littéralement
absorbé par l'image, qu'il la fasse sienne, que le temps s'arrête, que la pensée se fige.....ne reste alors que la lumière ».
Très intéressant. On a envie d'aller faire un tour dans la plus vieille institution savante de France ( François premier ?).
RépondreSupprimerJean-Marie