mercredi 18 octobre 2023

Célestine et Raymond, 31mai 1925

 



Buzenval, 29 mai, avant midi.


Ma chère petite Célestine

Je viens d'écrire cette première lettre au crayon, n'ayant pas encore pu me procurer l'encre. Tu dois attendre cette première lettre impatiemment. ( + une phrase illisible). Joseph est venu me conduire hier matin jusqu'à Rueil. Arrivés à cet endroit à 9h12, nous avons eu toutes les peines du monde à trouver une voiture. J'ai téléphoné de Rueil au sana, mais celui-ci n'en avait pas et n'assume pas le service de ses malades. Il faut te dire qu'il y a plus de 3 km de Rueil au Sana , et après toutes nos aller et venues de Rueil cela m'effrayait un peu de faire cette route. Enfin durant le temps que j'étais à la poste, Joseph a déniché une voiture à deux places qui m'a amené à 11h au sana. Celui-ci est très bien placé, un peu sur une hauteur, et entouré sur trois côtés de grands arbres, sous lesquelles il fera bon cet été, mais pas en ce moment car il fait plutôt frais. L'air y est certainement très bon, et de ce côté je ne pouvais demander mieux. Pour l'intérieur du Sanatorium, je crois qu'il en sera tout à fait de même. Question nourriture, je n'ai pas à me plaindre pour ma première journée, le menu est à peu près celui que nous avions reçu, le matin du café au lait avec du pain légèrement grillé, et un peu de beurre. Je dis un peu car si tu n'avais eu que ça pour beurrer mon petit pain à 4h, tu n'aurais pas été satisfaite, enfin c'est un petit détail, je m'y ferai vite. A 4h nous avons le thé ou le café, mais pas de pain. Le docteur mange avec nous midi et soir à 12h et à 7h. Nous ne sommes pas taxés pour nous lever le matin, c'est-à-dire qu'on doit être au petit déjeuner à 8h30.

 Le premier coup de cloche annonçant le déjeuner à 11h50 vient de sonner. Comme la levée du courrier est à midi je vais t'en mettre un peu moins long pour aujourd'hui pourvu que tu ais cette lettre demain matin.

J'ai une belle chambre, puisque aussi grande que la nôtre, avec une fenêtre immense qui donne sur le parc. J'ai fait la cure d'air avec tout le monde hier après-midi et ce matin. J'ai été ausculté tout à l'heure par les deux médecins du sanatorium.

Je suis un peu congestionné par la suite de la fatigue de ces jours-ci, ce n'est que dans quelques jours que les docteurs pourront se prononcer. Il me manque plusieurs choses, surtout une brosse… ( illisible)...chaussures. Je vais tâcher de me procurer cela ici car nous sommes obligés à sortir le matin. Tu as dû aller hier chez Mr Moulinas? Quel est le résultat, dis-moi bien vite je l'attends avec impatience. Bien des choses à Marie et à toute la famille. Voici le déjeuner qui sonne, à bientôt ma chérie, bon courage surtout. Je t'embrasse très fort.

Ton Raymond


Couéron, le 31 mai 1925.


Mon cher petit Raymond.

Enfin j'ai reçu une lettre ce matin, mais elle était bien courte et ne me donnait pas grand détail sur l'état de ta santé, je veux dire par-là de ta température et de ton appétit. Cependant elle m'a fait bien plaisir car elle m'apporte un peu de toi et j'espère avoir ces jours-ci de plus amples détails. Je ne veux pas te demander d'écrire tous les jours, mais écris-moi le plus que tu pourras, si tu savais comme je trouve le temps long.

Aujourd'hui dimanche je n'ai pas bougé du tout, j'ai écrit tout l'après-midi, d'abord c'était la fin du mois, et puis j'avais à écrire à bernard, à Rouaud, j'écris aussi à Joseph et je voudrais aussi écrire à Madame Baranger, je ne sais pas si je vais avoir le temps. J'ai encaissé à la fin de ce mois 6763 Fr. et nous devons 7064 Fr..

Cette semaine n'a pas été forte du tout, mais mardi, c'est la paye de Basse-Indre, la semaine prochaine j'espère donc que ça va aller plus fort. Bajoues a vendu hier sur la route de la gare et de Saint-Étienne 18 sacs. Il était content de sa tournée. Malgré que je ne suis pas trop à la hauteur de ma tâche pour faire mes comptes, je crois que je m'en tirerai à peu près, j'ai l'espoir que peu à peu ça ira mieux.

Marie est bien gentille et tout aurait été pour le mieux sans cette histoire de Monmonde, enfin tout le monde m'encourage à le faire tout de suite. Mr Moulinas me disait ce matin que Mr Juan le spécialiste de la rue Lafayette serait le moins cher : 450 Fr. premier plâtrage plus 450 Fr le deuxième plâtrage trois mois après, puis au bout de deux à trois mois déplâtrage à la maison, installation d'immobilisations 350 Fr., cela pour deux mois, en tout sept mois de traitement et 1250 Fr. de frais.


Mr Moulinas dit qu'on pourrait le faire sitôt que nous aurons la photographie de la radio. J'attends une réponse de toi.

Nos petites filles sont toujours très gentille, Monmonde, ce matin s'est habillé et disait qu'elle allait à Rueil, elle fait toujours sa prière pour toi et te dis bonjour et bonsoir en se levant et en se couchant. Marie ce matin a pris l'enveloppe que je venais de recevoir et s'est mise à lire comme elle voit Monmonde le faire, elle fait beaucoup de progrès à gazouiller ces jours-ci.

Marcel et Lucie viennent de venir avec leurs amis de Nantes, Monsieur et Madame Pierre ont l'air enchanté de prendre Marie si je traite Monmonde ( ....elle parle du traitement nécessaire pour la petite Raymonde ) cela va m'ennuyer encore de me séparer de cette petite, mais je craindrai en la gardant, de ne pouvoir y arriver, je crois que sur ce point tu seras de mon avis.

Aujourd'hui il fait un temps superbe par ici, alors que depuis que tu étais parti, il n'avait fait que tomber de l'eau. Notre voisine Madame Hupé a une petite fille, mais je crois que pour elle  ça ne va pas bien du tout, elle a la fièvre puerpérale. Le lait se mélange avec le sang, c'est très grave. Gicquiaux du café du commerce est en danger de mort, il a une congestion cérébrale et suite de guerre aussi.. 

tu vois que pour tout le monde il y a de la peine tôt ou tard. Pour nous, nous souffrons étant jeune, espérons que le bon Dieu nous réserve un peu de bonheur ensemble pour plus tard.

C'est tout ce que je vois à te dire pour ce soir, Marie est parti à la Sinière, les petits sont montés avec Germaine et Lulu chez papa. Je suis donc seul, je vais me mettre à faire ma soupe car voilà qu'il est bientôt six heures.

Tante Bretécher m'a dit ce matin qu'elle voudrait bien que tu lui écrirai quelques mots cette semaine.

Je ne sais si notre chaise longue va suffire pour Monmonde, je crois qu'il vaudrait mieux une chaise en osier. Je pensais que tante Bretécher à qui j'en parlais ce matin se serait proposé d'en acheter une, mais elle n'a rien dit. Comment faudra-t-il faire si la tienne n'est pas commode, tout cela va nous coûter cher, pourvu que l'enveloppe suffise! 

Je termine car je n'ai plus de place, je t'écrirai de nouveau demain sur une lettre que je ferai partir mardi soir. Je t'enverrai demain un petit colis postal, car cela m'ennuie que tu n'as que du thé ou du café à 4h, enfin j'espère que tu te rattraperas au repas. 

Ta petite femme qui voudrait te serrer bien dur sur son cœur en t'embrassant très fort.

Bonsoir mon amour, à demain.

Cicine.











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