Impro Bar des Palmistes
Pour celui qui n'est pas encore habitué au climat d'ici il fait chaud très chaud. Et pourtant le thermomètre ne doit pas dépasser 30, 32°, le soleil est au zénith, pas besoin d'avoir une montre pour savoir qu'il est midi !
C'est ce qu'est en train de se dire ce jeune homme qui marche lentement sur le trottoir en direction du bar des palmistes à Cayenne, en Guyane française !
Chapeau de Brousse , chaussures de brousse, chemisette trempée de sueur, il semble épuisé, monte les marches de la terrasse devant le bar et pose la main sur les portes battantes style saloon...
Il n'a pas le temps de les toucher que celles-ci s'ouvrent brutalement poussées énergiquement par un homme qui sort, il est frappé, bousculé et manque de se retrouver par terre, un bras ferme et solide le rattrape à temps :" Ah, c'est pas possible, c'est ma faute, je suis vraiment désolé, monsieur, j'espère que vous n'avez rien, asseyez vous là tout de suite !
C'est ainsi, que ce 6 octobre 1960, à midi, deux jeunes quadragénaire font connaissance par le plus grand des hasards!
L'homme au chapeau de brousse est mon père, Henri Dumoulin, il vient de marcher quelques heures autour du massif du Rorota dans le Nord de la presqu'île de Cayenne, se perdant sur des pentes boisées abruptes, il est arrivé là depuis une semaine, c'est son premier contact avec ce pays. Ce grand reportage, pour un journaliste comme lui est un cadeau extraordinaire, il arrive du Canada, du Québec précisément, il doit couvrir le lancement du siècle à Kourou, des hommes en partance pour la lune... pour le plus grand quotidien de la province: Le Québec Libre !
Ne me demandez pas pourquoi je me suis retrouvé……enfin, pas moi, mais l'alter égo que dans cette proposition de monde possible j'identifie à un "moi possible", en ce mois d'octobre 1960, accompagnant mon père pour un grand reportage en Guyane...
je n'ai accès à aucun élément expliquant dans le détail, le pourquoi de la chose.
J'ai 18 ans, je dois donc être né en 1942 au lieu-dit "l'ange gardien" dans la banlieue est de Québec sur la rive nord du grand fleuve Saint-Laurent.
En analysant la situation il semble que mon père ait accepté, en échange d'une participation financière de la Province, la mission de convoyer un petit groupe de jeunes de mon âge pour une immersion en forêt équatoriale!
Nous avions deux points de chute importants : le Camp Caiman dans la montagne de Kaw, et le minuscule village de Saül totalement confiné au centre géographique de ce territoire de 90 000 km² de forêt!
"Forêt ivre, débauche et folie,
Somptueuses bâtisses en jaillissement de sol!
Noirs geysers en cascades de lianes"
17 heures, après avoir mangé, les deux compères qui n'arrêtent pas de raconter
passionnément leurs mondes, ont traînés les talons, prenant inconsciemment, un peu chargés de boisson et de bons petits plats, l'allure traînante habituelle des badauds d'ici, des hauteurs du fort Cépérou au vieux port, de la place des palmistes à la pointe Buzaré en prenant la commerciale avenue Robert Schuman, toutes les villes ont une avenue de ce nom ....
Ils sont là sur un banc, somnolents face à la brise de mer, l'alizé, place des amandiers.
" Quelle douceur ici, avec ce petit vent, dire qu'il y en a qui disent que le climat de Guyane est infernal....et c'est comme ça toute l'année ! Et regarde à quelle allure le soleil baisse, à ce train là, il fera nuit dans une heure! "
Ils ont l'esprit léger, et le droit de rêver, ils refont leur jeunesse en Europe, loin en face derrière cet océan qui scintille au soleil déclinant du couchant! Ils sont présentement un peu comme des enfants:" On dirait que .... on dirait que je suis comme ci, comme ça...etc etc !
" Tu sais Francis, quand je repense à tout ce que j'ai fait depuis mon départ avec le grand Charles vers le Canada, je n'arrive pas à imaginer ce qui se serait passé si on était restés en Angleterre...on aurait peut-être réussi à préparer quelque chose, peut-être avec l'aide des Américains comme en 1917, une sorte de grand débarquement, pourquoi pas en Normandie, à la fin du printemps pour avoir les jours le plus long possible....après je serai rentré à Nantes, fait du journalisme aussi mais sans les immensités sauvages du Québec, les forêts, les lacs, la vie des trappeurs.....
.Et le Francis d' ajouter:" Ouais, on peut toujours rêver, mais moi je me demande ce que j'aurais fait si l'attentat contre Hitler et toute sa clique avait échoué....je serai forcément rentré à Nantes un jour ou l'autre, je me serais peut-être fait embaucher à la SNCF comme mon Francis de père....une vie sur les rails.....trop monotone pour moi, j'ai besoin d'inventer, de tester, de chercher des solutions techniques a des défis à priori impossibles à tenir, comme celui de demain à Kourou !
l'utopie , ce n'est pas l'irréalisable, c'est l'irréalisé!
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