vendredi 16 février 2024

Monmonde

 Couëron, le 30 juillet 1925


Mon bien cher Raymond,
J’ai reçu ta lettre tant attendue mercredi matin. Il me semble que plus tu vas, plus tu recules pour écrire, c’était d’abord le dimanche, maintenant voilà que c’est le mardi, si bien que maintenant je ne sais plus quand les attendre, tant pis, je m’y habituerai, ne te fatigue pas toujours, c’est le principal que je te demande. Aujourd’hui un jour de pesage, qu’est-ce que cela va donner, j’ai hâte de le savoir. Ton lait et ton œuf que j’espère que tu continues toujours, vont peut-être t’avoir fait du bien ; enfin je ne veux pas faire de rêves qui risqueraient d’être faux, car ta température n’a pas encore beaucoup baissé. Nous avons prié ce matin à ton attention, et maintenant à la grâce du bon Dieu ; parfois on se demande si il ne nous oublie pas, mais je ne crois pas car sans les secours qu’il doit nous envoyer un peu tous les jours, je ne pense pas que l’on pourrait souffrir la vie qu’il nous demande en ce moment. Ayant donc du courage et grand espoir en sa bonté jusqu’au bout.


Notre petite Raymonde va toujours bien, elle est maligne comme une chouette. Il faut que je te raconte encore un de ses tours : hier, elle voulait ta photographie, elle t’a embrassé bien dur , puis en te regardant, elle a dit : « mon petit papa, je ferai plus pipi, je dirais à Maman, Monmonde a envie pipi », puis elle te pose sur son oreiller. Un moment après je suis sorti dans la cour, pendant ce temps-là, elle s’est mise en colère après Madame Porchet, quand je suis rentré, elle m’a dit Maman j’ai battu Porchet! Je lui ai dit : « Et ton petit papa qui t’a vu et qui va pleurer », Non me dit-elle, il fait dodo…..naturellement puisque tu étais couché sur son oreiller.
Ces jours-ci elle me disait qu’elle allait manger son pain dans le petit coin avec papa, et qu’elle te portait du pain et du chocolat, elle explique tout cela comme ça lui vient, embrouillé un peu, mais enfin je comprends tout de même. Tu vois qu’elle se souvient toujours de toi. En ce moment, elle est étendue dans sa chaise longue et se remue, tout à coup, la jambe plâtrée est en l’air et si cela lui dit, elle va tout aussi bien se tourner sur le ventre. Je te promets qu’elle a de la force.


Pour ma petite Marie, je n’en ai pas eu de nouvelles depuis mardi, j’espère en avoir ce soir, mais ça doit aller bien car autrement j’aurais été prévenu. Cela devait ,la dernière fois, être tout simplement des vers occasionnés par ses grosses dents qui la font souffrir énormément, jamais raymonde n’a souffert comme cela, puisque elle met son poing dans sa bouche ou se fourre la tête dans son oreiller en pleurant, quand les rages la prennent, heureusement qu’elles sont prêtes à percer!


Nous avons commencé à rentrer le foin hier, puisque cette semaine, le travail ne pressait pas trop, il reste encore quatre charretées.
Nous n’allons pas pouvoir tout mettre dans le grenier à foin, c’est regrettable que nous n’avons pas tout retiré le vieux, enfin il est trop tard pour y songer, on va donc faire un petit mulon dehors, et il en faut encore une bonne charretée pour finir le grenier, je n’ai pas été cherché tonton pour nous aider à le charger, car dimanche il m’avait dit que toute la semaine il coupait son blé, battant son grain samedi.
Nous aurions peut-être pu attendre, mais nous avions le temps, et il mouille souvent ces temps-ci, alors, paraît-il, qu’il valait mieux le ramasser. Pendant ce temps-là, l’argent n’afflue pas naturellement. Ces jours-ci heureusement que c’est la paye lundi. J’ai de quoi payer mes hommes et mon échéance, Mais si Doucet, à qui je dois pas mal d’argent vient, je vais être court.
Madame Bardy du Pellerin est venue et m’a dit que nous lui versons un acompte quand tout les fagots seront livrés et nous paierons le reste quand nous pourrons. Il nous en livrera 600 fagots. Et si dans le courant de l’année on s’en faisait besoin, on pourrait y aller. Je vais tacher de faire mon inventaire, si je peux, car le frère de Madame Porchet se marie samedi, et elle ne peut pas venir garder Monmonde.
Je termine pour aujourd’hui, je vais me mettre à repasser. Je t’embrasse très fort de loin, dans l’espoir d’avoir une lettre ces jours-ci, je t’envoie toute mon affection. Bon baisers.

Célestine, envoyé de mon iPad !

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