dimanche 18 février 2024

Projet de voyage

 


Couëron, le 1er août 1925

Bien cher Raymond.

J’ai bien reçu tes deux lettres, et la seconde m’a apporté une bonne nouvelle, puisqu’elle m’a donné une température que jusqu’ici tu n’avais pas encore eu, il faut que j’avoue que cela ne m’a pas fait plaisir outre mesure car je veux savoir avant si cela va durer! Aussi j’attends une lettre ce soir ou demain matin, ça a toujours l’air d’avoir tendance à baisser maintenant, redouble d’attention. J’apprendrai aussi par cette lettre le résultat de ton pesage et de la visite de cette semaine ( excuse mes ratures, je ne sais pas ce que j’ai, mais vraiment je ne suis pas disposé à écrire aujourd’hui).
Parlons donc un peu de mon prochain voyage. J’avais pensé moi aussi partir le jeudi soir, j’arriverai donc à Paris le vendredi dès le matin. Le plus fort, c’est qu’il faudra que je me débrouille toute seule, cela m’ennuie de prendre une auto qui va me coûter fort cher …si je pouvais me rendre par le métro à Saint-Lazare …
Marie, prétend que je suis embarrassé pour pas grand chose, que ça ne doit pas être si difficile que ça. Tu me diras ce que tu en penses ou s’il faudra dans ce cas là descendre à Austerlitz ou Orsay. Nous allons acheter un indicateur des chemins de fer, et je pourrai te dire à peu près l’heure que j’arriverai à Saint-Cloud, ce sera sans doute d’assez bon matin, si tu n’étais pas là juste au moment du train, tant pis, j’irai en attendant prendre un café par-là ; car si je prends le métro à la sortie du train à Paris, je n’aurai rien pris de chaud jusque-là, mais ne t’inquiète pas pour ça, ce sera une petite affaire. Marie de Paris m’avait proposé autre chose, c’était que son père vienne me chercher à la gare, mais cela m’ennuie de déranger monsieur Vial, puis il ne marchera pas bien fort, moi qui aura hâte d’être rendu avec toi. Cela nous fera donc trois jours presque entier car je repartirai le dimanche soir. Je vais de ce coup apprendre à voyager toute seule, il faut bien pour cet hiver, car quand tu vas aller dans le midi, si c’est à Amélie les bains, nous n’irons je crois pas directement, du moins d’après la carte, je peux me tromper, quand on va avoir un indicateur on verra, ça sera toujours un peu plus loin que Paris.

Parlons maintenant un peu du commerce, la gayette , ainsi que je te l’ai dit encore renchérie, elle vaut maintenant 265 Fr.. Je trouve qu’on ne gagne pas énormément dessus surtout quand nous vendons 500 kg. Nous en avons bien sûr un peu de rentrée, mais cette semaine, l’école en a pris une tonne et cette tonne que Bageot a été chercher à Nantes nous a été compté en sac 270 Fr., le marché étant fini je la revends 300 Fr., et cela ne fait tout de même guère de bénéfices. Faut-il en parler de nouveau à Denaud. Les boulets sont toujours à 125 Fr., la braisette a augmentée de nouveau de 15 Fr. et est maintenant à 210 Fr. et nous la vendons 250 Fr., ce n’est encore à mon avis, pas assez car au 500 kg. cela ne fera que 35 Fr.. Pour la braisette nous ne sommes pas pris car il y en a pas mal en magasin je ne crois pas que notre marché soit coupé, ce doit être comme pour les boulets, mais ce n’est pas une raison pour ne pas l’augmenter, surtout que nos frais sont lourds. Je n’ai pas fait mon inventaire, j’ai décidé que je prendrai note de tout avant de partir te voir et nous calculons ça tous les deux. Il n’y a pas d’inconvénient à faire cela à la moitié du mois. Pour ce mois-ci, je boucle à peu près, car il me reste un peu d’argent en caisse, mais cela me fait trois livraisons d’avoine à payer, monsieur Doucet me dit toujours : « j’irai un de ces jours. Ne vous inquiétez pas ». Si tout de même il tarde trop, je serai obligé d’y aller. Pour Monsieur poulain, cela commence à monter, faut-il lui porter sa note ou attendre que tout son travail soit fait. Ce mois-ci n’a pas été tout à fait aussi fort que les autres aussi bien comme charbon que comme le roulage, mais la semaine qui vient a été plutôt fraîche, aussi les tournées de ce matin, s’en sont senties et aujourd’hui c’est la paye de Basse-Indre. Malgré tout juillet et août sont les plus mauvais mois, vivement qu’ils soient passés, car quand l’argent ne rentre pas beaucoup, cela m’énerve, ensemble, on verra ce que donnera l’inventaire.
La braisette et la gaillette que j’ai rentré, vont me donner une fin de mois d’août, forte.
A Dieu va, je fais le plus attention qu’il m’est possible, je voudrais bien ne pas prendre dans la réserve et tacher de remettre les 1000 Fr. de Sultane, mais avec mon foin ça ne sera sans doute pas tout de suite. Je ferai pour le mieux, je te parlerai de tes petits-enfants demain, je ferai mon possible pour t’écrire de nouveau.
Mille baisers, gros chou Célestine!

Je monterai peut-être chez nous demain, car Clémentine ne peut venir jusque-là, autrement je ne sortirai pas, d’abord parce que je ne veux pas aller me promener durant que tu n’es pas là, et puis papa doit toujours m’en vouloir de mes réponses de l’autre jour car il ne vient plus à la maison, et ne m’a jamais demandé de tes nouvelles, si tu leur écris, ne fais aucune allusion à cela car il ne serait pas content que je t’en ai parlé.

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