samedi 18 novembre 2023

10 juin 1925

 Suite des aventures de nos jeunes grand parents





Buzenval le 7 juin 1925


Bien chère Célestine 


Voici encore un dimanche de passé, hélas, ce n'est qu'un des premiers et les derniers à passer ici sont encore très loins. Cela me rappelle un peu le régiment, et nous trouvions longue cette période d'attente. Maintenant c'est encore une période d'attente, avec cette différence que je n'ai plus de permissions comme j'en avais à ce moment-là, bien heureuse permissions qui nous faisait trouver le temps si court pendant leur durée.

Je ne sais pourquoi aujourd'hui, j'attendais une lettre de toi, et je n'en ai pas eu. Tu n'as pourtant pas tardé, puisque ta dernière est daté de jeudi matin, je l'ai d'ailleurs reçu dès vendredi matin. Le dimanche aussi, nous n'avons qu'un courrier. Enfin j'espère que tu vas toujours bien, et que tout marche comme tu le désires. Je ne sais si tu as le journal aujourd'hui, la livre était à 103 Fr. Il est plus que probable que le charbon va monter. Tu pourras peut-être forcer au Blangy, s'il n'a pas augmenté. Oh, très peu, un ou deux wagons de manière à pouvoir stocker celui de chez Leborgne si cela en valait la peine. Enfin, tu dois voir s'ils t'ont envoyé une circulaire, cela dépend aussi de ce que tu fais comme vente, car maintenant avec cette chaleur, ça ira certainement moins fort. Tu n'as pas reçu de nouvelles pour le bois à Mr Bardy? 

As-tu reçu la photo de la radio à Raymonde, quand penses-tu la faire plâtrer ? Quand donc finiront tous ces ennuis ! J'espère qu'elles sont toujours gentilles toutes les deux ! La communion approche, es-tu toujours décidée à recevoir tout le monde chez toi, tu pourrais peut-être te faire aider! 

Ici pas grand-chose de neuf, beaucoup de visites aujourd'hui, nous étions deux seulement à faire la cure, un vieux garçon de 47 ans (un cœur à prendre tout ce qu'il faut pour Marie, tu peux lui dire). 

En ce moment il se joue un superbe morceau de violon, venant sans doute de la Tour Eiffel, grâce a un appareil haut-parleur TSF, placé dans une maison voisine du sana et que nous entendons parfaitement. C'est un de nos moyens de distraction car c'est tous les jours ainsi, souvent on s'endort au son de la musique, car nous couchons fenêtre grande ouverte.

Un parc d'aviation étant assez voisin, à quelques kilomètres, nous voyons continuellement des avions. Ceux-ci viennent quelquefois même la nuit, par temps clair, nous faire le potin!

Ce matin j'ai assisté à la messe à la chapelle de Buzenval. Je ne peux pas mieux comparer cette chapelle qu'à l'église de ( illisible), avec cette différence que celle-ci est en ciment armé. C'était une messe basse avec quelques cantiques et explications, lecture de l'introït, de l'Évangile à haute voix. Puis on est chante l'ancien latin c'est-à-dire l'ue.. à la prononciation habituelle. Je crois que ce pays n'est pas trop fameux, les fidèles étaient plutôt clairsemés. Au Sana , à ce sujet, je ne suis pas bien partagé, jusqu'ici je ne connais que deux personnes qui sont catholiques pratiquantes.


Hier, il a fait une chaleur épouvantable, temps d'orage qui nous a fortement gêné. Nous avions tous plus de température, j'avais pour ma part 39°. Je voudrais tout de même bien que ça baisse, aujourd'hui 38°3. J'ai reçu la visite du docteur hier, il m'a ausculté de nouveau sérieusement. Ma lésion du poumon gauche est assez étendue, mais pas très profonde, plutôt superficielle. Quelques infiltrats au sommet droit. En somme mon cas est très guérissable, mais il sera long. Il m'a ordonné des piqûres d'huile camphrée, éthérée, cholestérinée, puis de la chaux pour mon estomac, de l'eau de Vichy que je prends avant les repas. Ces jours-ci les repas de midi se sentent de la chaleur et je ne mange suis pas si bien, mais aux autres repas je me rattrape. Rien de neuf à part cela, j'attends demain pour avoir une lettre de toi.

Clémentine a dû aller voir Mr Deseclaux ces jours-ci, as-tu vu le résultat. N'oublie pas que tu dois y aller toi aussi, j'y tiens absolument, tu sais et ne serais pas content auparavant.

Ma petite chérie je te quitte pour ce soir en te pressant très fort sur mon cœur, hélas, qui pleure en ce moment. 

Ton mari aimé

Raymond


Couëron, le 10 juin 1925


Mon cher petit Raymond

J'ai reçu ta lettre de dimanche hier au soir, je trouve très drôle que tu n'en avais pas de moi dimanche car j'en avais fait partir une le vendredi soir, tous les deux jours je t'en envoie une, à part quelques fois que le soir où il est trop tard je la fais partir au courrier du lendemain matin, comme celle-ci par exemple, il était 11 heures hier au soir quand j'étais prête à écrire alors je me suis dit : « si Raymond était là il me dirait va te coucher ». Alors j'ai remis cela à ce matin. Ainsi que je te l'ai dit dimanche, nous sommes en grand nettoyage, les maçons sont venus blanchir hier, mais maintenant il y a de quoi s'amuser. Aussi je ne vais pas te donner grande explication ce matin, le commerce va beaucoup moins fort, mais malgré cela il ne manque pas de travail car les roulages et les vignes occupent beaucoup. J'ai su que la livre était à 103 Fr., mais je n'ai reçu aucune circulaire. J'ai commandé cette semaine un wagon au Blangy et l'autre chez Leborgne en vue de la paye de la semaine prochaine. Le bois à Monsieur Bardy est rentré, il est très beau, comment opères tu  pour ton paiement ? J'ai reçu aussi un wagon de bois très beau de chez Monsieur Bernard, comment faut-il faire pour les bûches qu'il n'a pas encore mis ? Je t'ai déjà demandé cela sur une de mes dernières lettres, c'est 85 centimes le cent que tu le payes ton fagot ? Avec tout ce bois je n'aurai sûrement pas assez pour mon échéance. 

Je croyais t'avoir déjà dit que j'avais reçu la photographie de la radio à Monmonde, je te l'enverrai quand elle sera plâtrée. Je crois que ce sera pour la semaine prochaine, nous attendons la réponse du traiteur, j'en suis un peu malade quand j'y pense, mais enfin il faut avoir du courage.

Ta température ne baisse pas vite, au contraire, cela m'ennuie un peu. Qu'est-ce que le médecin en dit  de cette température là? Mais, enfin, il ne craint pas, et ne doute pas que tu es guérissable, c'est l'essentiel. Il dit que ce sera long, combien de temps veut-il dire par-là, j'espère cependant qu'après l'hiver tu pourras sans danger venir te soigner à la maison.

Je termine pour ce matin car voilà Madeleine qui arrive, elle va l'emporter, je t'écris plus longuement demain.

Ta petite femme qui t'aimes à la folie et t'embrasse de tout son cœur.

Bon courage et à demain

Cicine.



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