dimanche 19 novembre 2023

14 juin 1925

 



Buzenval 9 juin 1925


Ma très chère petite femme 


J'avais pourtant dit sur ma dernière lettre que je ne t'écrirai pas avant dimanche, mais j'ai eu un remords car je pensais que si j'étais quatre jours sans nouvelles, moi aussi, et bien je trouverai le temps long.

D'abord que deviens-tu toi-même, j'ai pu voir que tu étais assez matinale, et sans doute te couches-tu assez tard aussi. Fais bien attention à toi, à ta santé qui m'est on ne peut plus chère, hélas , ainsi qu'à tes chers petites. Tant pis si la maison laisse un peu à désirer! Sois sûre que les personnes censés te comprendront et t'excuserons. Il en sera de même aussi quand Raymonde sera plâtrée, ne lui donne pas l'habitude de rester continuellement auprès d'elle. Quand elle ne marchait pas et ma foi ce n'est pas si vieux que ça, il fallait bien qu'elle reste tranquille. D'ailleurs j'espère que sa chaise sera assez transportable pour qu'elle puisse se tenir dans la même pièce que toi. J'espère que tu seras raisonnable à ce sujet. J'espère aussi que vous faites bon ménage Marie et toi. En ce moment elle doit faire la grande patronne, quel honneur! Tu me dis aussi que le commerce marche, je le vois en effet par ce qui est fait, et Bageot se donne vraiment la peine, tant mieux au moins de ce côté, je suis tranquille. Quel prix a-t-il vendu à son voyage de la Martinière. Sera-t-on obligé de baisser ? Cependant avec la hausse de la *livre, je ne crois pas que le charbon va baisser, au contraire, a-t-il acheté des bûches à la vente de la ferme Auffray lundi? T'a-t-il payé son premier wagon de bois, qu'a-t-il dit sur les prix ? Tu me demandais sur une de tes lettres si tu devais faire le compte à André, si tu veux, mais le mois ne doit pas être bien fort, mais cela te fera plaisir quand même, car si je me souviens, tu as une quinzaine assez forte à payer le 15. La fin du mois ne sera par contre pas très chargée. Tu me demandais également s'il fallait conserver les bons de sable et de charbon. Les bons de sable sont à conserver. Pour les bons de charbon, à part ceux du Blangy, tu peux jeter au feu ceux de l'année dernière et jusqu'au 31 mars 1925. Ils ont touchés la ristourne du Blangy ?

Tu sais que l'on pouvait payer au 1er juin.

Fleurette marche-t-elle ? Tu ne m'en a jamais parlé.

J'espère que Madame huppé est mieux avisé que Gicquaut!

Hier nous sommes allés au pesage, on m'avait averti heureusement que la bascule pesait 1 kg de plus faible que les autres bascules. En effet je ne pesait que 107 livres. Il faut dire aussi que je me suis pesé tête nue et ayant déjeuné à 11h50. Je n'avais pas non plus mon calepin et mon gros porte-monnaie. En fin de compte avec le kilo de différence cela revenait à peu près au même. Je mange bien et si je n'augmente pas d'ici 15 jours, j'achèterai du lait à la ferme à côté et me mettrait à en boire.

*

J'ai reçu hier la visite de Joseph. Il m'a apporté une grande couverture 1,60 m sur 2,10 m, blanche en coton, mais très épaisse et chaude pour 41 francs 75. Il a été très gentil, j'ai été lui faire un bout de conduite. Il m'a dit que ma tante allait venir me voir un dimanche, avec eux bien entendu, je parle de Madame Nostra cartomancienne qui s'est fait couper les cheveux !! Hein, tu sais à quel point elle suit la mode. Tu voudras bien garder cela pour toi, car Joseph veux en laisser la surprise à son père. N'ai pas peur que je sorte trops va, je ne le fais que quand j'ai absolument besoin. Alors, bonsoir ma chérie, bon courage toujours.

Ton petit mari qui pense souvent à toi. 

Raymond

 bon baisers à Marie et aux petites.

As-tu reçu la photo de la radio ?

  • le charbon débarqué à Couéron, surtout pour l'usine métallurgique Pontgibaud et pour l'usine à plomb, venait d'Angleterre, d'où l'intérêt de mon grand père  pour le cours de la livre sterling. 




Couéron le 14 juin 1925


Mon petit Raymond chéri.


D'abord je suis en retard à t'écrire, car j'aurais du le faire hier au soir, mais je sais d'avance que j'aurai le pardon car toute la semaine j'étais en nettoyage, je n'ai fini que vendredi et je t'assure bien fatiguée. Hier nous avons été à Nantes Marie et moi, et pour achever je me suis trouvé indisposée juste pendant notre voyage, je ne pouvais plus me traîner et m'en suis revenue rompue. Et comme nous avions encore plusieurs petites choses à préparer nous ne nous sommes pas couché de très bonne heure, aussi ce matin cela a été un peu dur pour me lever et une fois debout j'ai renversé, mais ne tiens inquiète pas ce n'est rien et aujourd'hui la journée s'est bien passé quand même, mais je ne vais pas t'écrire bien longuement ce soir et rendrai plutôt réponse à ta lettre demain.

Hier j'ai été chez Mr Desclaux, il m'a dit que chez moi, c'était un peu accidentel et que c'était parti d'une façon extraordinaire et n'avait touché en rien aux poumons. Il ne m'a pas trop plu hier sur une question que je lui avais posé, mais je te raconterai cela de vive voix, cela n'a rien de bien important pour le moment. Pour toi il a dit que c'était très bon, qu'il n'avait pas trouvé beaucoup de bacilles dans tes crachats et que l'on est bien trop exigeant de demander que tu n'ai plus de température. Quand elle sera complètement tombée tu n'auras qu'à lui écrire. Je suis très contente que le docteur t'a trouvé un peu mieux, et la température a  tombé un peu. 

Quand tonton et tante sont partis ils m'ont dit qu'ils allaient aller te voir, comme tu m'avais dit que ça ne serait pas facile pour t'envoyer de l'argent je leur ai demandé de t'en emporter et leur ai donné 600 Fr.. Maintenant tu me dis qu'il t'en aurait fallu 1000, pourras-tu quand même attendre que je vais te voir pour en avoir d'autres.

Aujourd'hui le repas s'est bien passé, clémentine est venu, pauvre fille je ne lui trouve pas un bon teint , comme c'est ennuyeux, elle est bien atteinte tu sais et elle ne s'en doute pas, c'est terrible. Nous étions très contents de la voir mais cela a dû la fatiguer, *Dumoulin a été la chercher et la ramener. Tantôt Bageot est  venu avec toute sa famille, ils ont donné une boîte de dragées pour toi, je te l'enverrai demain. En général la journée a été bonne mais ce soir l'on est fatigué.

Le commerce ne va pas fort, on vend surtout du charbon de bois car il fait une chaleur terrible mais cependant les roulages ne manquent pas. Aujourd'hui Aubinais a un wagon en gare et Auffray en attend deux, je ne peux pas te donner trop de compte rendu, car un peu en retard dans mes comptes avec tout cela, aussi demain je m'y mets tout entière, j'ai reçu le compte de ristourne du Blangy, je vais rendre réponse demain. De quelle façon toucherai je l'argent ?


Ce soir nous avons habillé les filles pour les faire photographier*, avec ton diable de Marie nous avons attrapé une suée, et elle aussi et malgré cela nous n'avons pu y arriver, on les a saisi une fois mais nous ne sommes pas sûre du succès et impossible de recommencer. J'aurais pourtant voulu le faire avant que  Monmonde soit plâtré. Enfin j'ai encore jusqu'à jeudi. Ta Marie est un vrai lutin elle est diable plus que tu te l'imagines. Raymonde est un ange à côté d'elle. Elle fait des bouts de plus en plus long mais elle est trop brouillon. Je te reparlerai de cela une autre fois, j'ai envie de dormir. 

Bonsoir mon petit rat adoré, je t'embrasse mille fois de tout cœur je te mange cher adoré...ta petite femme ... Cicine! 



  • Ce Dumoulin est évidemment Henri, notre autre grand-père 
  • Il s'agit du grand portrait qui se trouve actuellement chez Myriam.
* Photo de l'immeuble, au 52 rue du Montparnasse, où habitait Joseph Gourby, le cousin de Raymond Gourby avec lequel il a été élevé quand il est devenu orphelin !

Mathieu d'Arras

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire