mardi 21 novembre 2023

Couëron le 18 juin 1925


 Couëron le 18 juin 1925


Mon Raymond chéri


J'ai reçu ta lettre datée du 16 ce soir, toutes nos lettres d'un côté ou de l'autre mettent deux jours à se rendre. Je vois que ta santé n'irait pas trop mal si la fièvre baissait, essaie donc de te tenir au lit le plus possible ainsi que te disait ton camarade, à la Portaizerie, tu te couchais toujours après avoir déjeuné, et tu n'avais pas de fièvre. Dis-moi donc sur une prochaine lettre si ton docteur est bon, car avec la vie qu'il mène, je me demande, je ne sais pourquoi, si c'est un homme bien dévoué à ses malades et ayant à cœur qu'il prenne de l'amélioration. 

Alors tu as eu la visite de ton cher oncle et de ta tante, quel air faux ils ont! Je te redirai leurs réflexions à ton sujet quand ils seront de retour car c'est bien rare s'il n'y a  pas encore quelques petites histoires!

Alors c'est demain le triste jour à Monmonde, malheureusement suivie de beaucoup d'autres. Nous partirons demain matin à 8h avec Monsieur Moulinas et "l'opération"*aura lieu vers neuf heures, nous reviendrons sans doute dans l'après-midi vers deux heures avec Monsieur Imbert. Ce soir Marie est à lui faire couper les cheveux " à la Jeanne d'Arc" car je trouvais qu'elle souffrirait beaucoup moins du chaud, elle vient d'arriver à l'instant, je t'assure qu'elle est bien mignonne, cela lui va très bien. J'ai eu aussi la photographie ou du moins l'épreuve, et bien figure-toi que c'est le "bout-zan"*qu'est le mieux, elle a vraiment son air vicieux de tous les jours. Monmonde a un peu l'air ennuyée tout en étant cependant naturelle, ce n'est pas étonnant qu'elle était ennuyée car il a fallu poser une demi-heure avant de pouvoir trouver un instant de tranquillité de Marie pour pouvoir la saisir, elle est vigoureuse celle-là ! 

Moi je commence à être un peu délassée de tout mon tralala de nettoyage et de repas de communion, cela va peut-être être recommencer d'une autre façon demain, enfin il faut espérer qu'elle ne sera pas aussi terrible qu'on le pense.


Question commerce cela ne va pas trop fort avec le charbon, hier Fuselle n'avait vendu sur la route et le bas de la Chabossière que 5 sacs, Bageot ne revenait pas. Vive encore Bageot, il a vendu,lui ses 30 sacs dans la cité et 30 sacs aujourd'hui à la Sinière et à la Morlière, enfin j'ai fait 420 Fr. aujourd'hui et 611,90 comme roulage, j'avais hier 8h30 et aujourd'hui entre Henri et Fuselle, j'avais 21 heures, mais Fuselle est rentré un peu tard car il a été livrer des bières pour Monsieur Poulain à Saint-Étienne *, ce ne sera pas tous les jours comme ça . Le marchand de charbon de bois est tout de même arrivé aujourd'hui, il était temps car voilà quatre jours que les clients nous crie sur le dos, il reviendra de nouveau mardi prochain. Fleurette* s'est bien fâchée hier au soir en allant emmener un tombereau de sable chez Chauvin, il était 5h50 et il a eu le malheur de passer par l'écurie une fois  rendu chez Jean Marie Auffray!  Elle n'a plus voulu rien savoir et il lui ont fait mener à reculons jusque chez Chauvin. Bageot n'était pas là, mais quand il est arrivé il n'était pas content car il a dit que c'était des coups à lui faire du mal.




À part cela ça ne va pas trop mal, il s'entendent bien, j'espère que ça va marcher à peu près comme cela d'ici que tu ne reviennes ; ce n'est pas prêt car voilà que trois semaines que tu es parti. Mais ne t'inquiètes pas, laisse toi vivre car avant tout je désire ta guérison. Voilà pourquoi je me résigne facilement à tous les sacrifices qui s'imposent en cette circonstance.

Reçoit mon petit mari adoré de grosses bises de ta femme qui t'aimes à la folie.

Ce soir j'ai lu à Monmonde, sur ta lettre que tu disais qu'elle était bien mignonne, que tu l'embrassais bien dur, alors elle a pris ta lettre elle l'a embrassée, puis elle a voulu se mettre à t'écrire tout de suite sur un papier avec une plume. Elle est bien mignonne et ne t'oublie pas.

Cicine.




  • l'opération en question était un grand plâtrage-immobilisation d'une jambe pour tenter de recentrer la tête fémorale défaillante génétiquement.
  • Le fameux " bout de zan"  était évidemment notre Maman, grand-mère prenait plaisir à l'appeller avec tendresse :" mon petit bout d'zan"

  • Fleurette était, avec Marquise, une des trois juments, force motrice de l'entreprise, je n'ai pas encore trouvé le nom de la troisième...
* St Etienne de montluc, à environ 10 km au nord de Couëron ça lui faisait deux lieues, avec Marquise ou Fleurette attelée à un tombereau chargé de bois il lui fallait plus de quatre heures aller et retour, sans compter le chargement et déchargement...

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