Buzenval le 2 juillet 1925
Ma Cicine très chère
J'ai reçu ta lettre hier tantôt, et ma foi, je te réponds avant d'aller faire la cure. C'est égal, tu es rien flemmarde pour avoir ainsi des envies de dormir après avoir déjeuné. Je me rappelle que tu étais ainsi lors ce que tu as été prise de la petite Marie en 23, serait-ce par hasard que..... je n'y suis pour rien cette fois, tu sais, pour la bonne raison que je ne suis pas là, et malgré toutes les inventions modernes, c'est une chose qu'on ne peut pas se faire à distance.!
J'ai été interrompu par le facteur qui m'a apporté deux paquets recommandés:ta boîte de fructine, et le paquet à Marie. Je me suis empressé de développer tout cela.
Ah je crois que je suis bien approvisionné en friandises et cette fois je vais en avoir pour un moment. Je prendrai une fructine ce soir en me couchant, cela me nettoieras un peu l'estomac et les intestins, car ces jours-ci tout ça est un peu fatigué. Cela vient de ce que j'ai eu mal à la langue, ça commence à se passer maintenant, mais pendant quelques jours, j'ai eu beaucoup de difficulté pour pouvoir manger la croûte, et je devais l'avaler souvent sans être trop mâchée, c'est ce qui fait que j'ai eu quelques lourdeurs d'estomac. Tu vas peut-être demander comment il se fait que j'ai attrapé mal à la langue, tout simplement parce que je l'ai irrité contre un croc qui dépassait dans le fond de la bouche.
Parlons un peu du voyage, ce n'est plus que dans 9 jours, demain matin, et ce se vite venu. Je vais retenir ta chambre à l'hôtel dès ces jours-ci, car il faut demander à l'avance paraît-il. Comme tu me dis que tu rentreras quand tu pourras, ce qui m'a fait beaucoup de plaisir, je veux la retenir pour deux jours. Ainsi, tu arriveras samedi soir et tu coucheras chez Joseph. Ils ont maintenant une chambre que la concierge met à la disposition de ses locataires, ce qui est très pratique. Il faudra que tu sois assez matinal pour prendre la messe avant de partir, heureusement la chapelle est à deux pas. Vous ne pouvez sans doute guère être arrivés tous les trois ici avant 11h30. N'oublie pas surtout d'emporter de l'argent car ainsi que je te l'ai dit je serai en retard de quelques jours pour payer. Tu me demandes s'il faut que tu ailles voir tante Marie, ce serait peut-être aussi bien, si tu avais le bonheur de lui plaire cela pourrait peut-être nous rapporter quelque chose plus tard. Je vais en parler à Joseph à la prochaine visite ; surtout ne sois pas timide avec elle, elle n'aime pas ça ; tu ne pourras sans doute y aller qu'à ton retour d'ici. D'ailleurs tu pourras en parler toi aussi à Joseph.
Le commerce marche toujours. Tu dois avoir ma réponse au sujet de Fleurette. Qu’est-ce que vous en pensez, je comprends c'est embêtant mais j'ai déjà eu un précédent avec Coquette et je crois que c'est encore le meilleur moyen. Bageot A enfin trouvé une maison à proximité, tant mieux ce sera aussi bien pour lui comme pour nous.
La situation ( monétaire ) est assez critique en ce moment, aujourd'hui la livre ( sterling) est à 109 passé, et je ne crois pas qu'elle baisse avec cette politique d'inflation.
Les problèmes de la livre sterling dans les années 1920
. Que te reste-t-il à prendre d'ici la fin du mois sur le marché, la différence est assez appréciable avec les nouveaux prix et vous pourriez peut-être vous arranger pour tout rentrer, ou du moins commander avant la fin du mois. Ce que je ne t'ai jamais demandé c'est de savoir au juste combien ça rapporte à peu près par jour, lorsque vous avez rentrés les wagons à Aubinais ; en somme à combien se monte la journée une fois les hommes de journée payés ? Je serai content de le savoir, pour voir si j'ai pris assez cher de la tonne. Est-ce que c'est toujours le père Lepage qui vient décharger le bois ? Ce qui me fait plaisir c'est que si il y a malheureusement pas beaucoup de charbon à faire, il y a par contre du roulage assez pour s'occuper. Je crois même qu'à la fin de ce mois, André en aura une belle note. Tu me diras s'il t'a beaucoup manqué pour payer les traites du 15.
Maintenant il ne serait pas mauvais d'augmenter de 10 Fr. la gayette et la braisette pour le 15 juillet ou un lundi, tu pourrais en parler le plus tôt possible à Denaut et Lechat, prévenir aussi les bons clients qui veulent faire leurs provisions.
De l'autre côté de l'eau, nous pourrions attendre à la fin du mois pour augmenter, de cette façon, tous les clients seraient prévenus surtout ceux de la Martinière.
Tu me dis avoir 600 Fr. de chiffre d'affaire à payer ces jours-ci ; je croyais que c'était 416 Fr. par trimestre, dans les 1600 Fr. par an ? Je ne t'en dis pas davantage pour aujourd'hui, je vois dans tout cela que tu te donnes la peine et que ça marche, aussi sois tranquille, ma chère Cisine, j'ai bien confiance en toi, et je suis sûre que tu réussira à conduire à bien ce commerce, et que je le retrouverai telle que je souhaite le retrouver.
Tu as reçu le relevé de la ristourne du Blangy, il y a un peu plus que je n'aurais cru. Tant mieux, ça fera ça de plus. Tu ferais pas mal de tenir un petit compte de notre réserve par écrit car à la fin j'aurais peur qu'on ne s'y reconnaisse plus.
Je vois que tu n'avais pas compris ce que j'avais dit en partant au sujet des veillée des chaumières. Je t'avais dit de m'envoyer les numéros restant à prendre jusqu'à la fin du mois et que je me serai abonné ensuite à partir du premier. Ici il m'est difficile de m'abonner, car n'ayant pas de poste à Buzenval, je serais obligé d'aller jusqu'à Rueil pour envoyer un mandat. Il y aura une façon d'arranger les choses, ce serait qu'Henriette les expédie elle-même chaque semaine, ainsi tu pourrais la payer toi-même. Il faudrait qu'elle m'envoie tous les numéros suivant les derniers que tu as pris. Tu peux m'envoyer ce que tu as en attendant.
Ici on peut difficilement avoir des livres, Ou bien ce sont des livres infects. Il y a bien une bibliothèque mais elle est fermée à clé, et il ne fait pas beau aller la demander à la directrice. Je ne t'ai jamais parlé du docteur personnellement et de la directrice, je t'en parlerai une autre fois, ils sont très intéressants!!!
Tonton et tante doivent être à Paris maintenant, je pense sans doute qu'ils viendront avec Joseph jeudi. C'est égal, c'est bien à la franchise de Tonton ! Lorsqu'il t'a dit qu'il ne savait pas que Raymonde allait être plâtré, moi qui leur en avais parlé sur la carte que je leur avais envoyé. Ce sont toujours les mêmes je le vois ! Sois tranquille ils ne me verront pas couché, à moins d'une avarie d'ici là, ils ne me verront pas pâle non plus car je suis devenu avec la chaleur couleur de briques, et de plus j'espère leur annoncer une augmentation de poids, car c'est justement le matin jour de pesage.
Une chose à laquelle tu ne m'as pas répondu, c'est lorsque je t'ai demandé si en passant Raymonde à la radio, tu as fait regarder les poumons.
Alors ma petite bien-aimée, je te quitte pour ce soir, c'est d'ailleurs que voilà une heure que je bavarde avec toi et qu'il est s'il heures moins le quart . Je veux pourtant écrire une carte à Joseph pour qu'il puisse l'avoir le premier jour ; je vois bien que j'aurai sa visite toutes les semaines, ils sont vraiment gentils.
Je ne t'ai seulement pas parlé des enfants. Marie marche-t-elle ? Quand Lucie va-t-elle la prendre ? Embrasse les bien pour moi!
Alors, bonsoir, ma chère Cicine, et que cette lettre emporte avec elle le baiser que je désirerais tant te donner de près. Ton petit mari qui t'aimes autant qu'il est possible d'aimer.
Raymond.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire