mardi 5 décembre 2023

6 juillet 1925, Sultane.


 Couéron le 6 juillet 1925

L'arrivée de Sultane, l'œil du maquignon! 

Mon Raymond chéri

Voilà, nous arrivons de Vertou*, contents quand même. Ainsi que je te l'ai écrit hier nous nous sommes rendus ce matin chez Monsieur Leroux, il nous a montré sa bête qui devait faire notre affaire, nous ne la connaissions pas encore, mais je crois qu'elle fera  notre affaire voilà le signalement :

Gris pommelée, taille à peu près de Raspagne, plutôt un peu moins grosse, pattes très saines devant et encolure très bon, le collier à Raspagne va sans doute lui aller. Il n'y a que du derrière qu'elle sera un peu pointue, les pattes de derrière un peu ramassées, très facile à conduire et malgré son poids très belle trotteuse, allongeant beaucoup des pattes de devant, enfin tu serais là, je crois que tu serais heureux, du moins c'est la réflexion de Bageot et de Babin en s'en revenant. Elle se nomme Sultane, à l'air assez douce mais il lui faut un peu de graisse. Question de prix on n'en est quitte pour un bon billet, qu'est-ce que tu veux il fallait s'y attendre ; une fois de  plus on apprend de l'esprit à nos dépens, aussi désormais n'achète tes chevaux que chez Leroux et emmène Babin qui s'y connaît bien! Je te donnerai toutes les petites explications de vive voix, mais soit bien sûr que si tu as un peu de perte, tu as de la marchandise en échange, nous avons dit à Monsieur Leroux que d'ici un an nous en aurons une autre à changer.

Maintenant parlons un peu de ta santé, je viens de recevoir tes deux lettres de samedi et j'ai grand peur, puisque le docteur dit que ta température n'est pas proportionnelle à ta lésion que ce soit là le chagrin ou l'agacement qui te l'occasionne, aussi je t'en supplie mon mari tant aimé pour qui je donnerais tout ce que je possède, oublie-nous un peu et ne pense qu'à toi, à ta chère santé que ta femme désire de tout son cœur. Oh je t'en prie ne néglige rien et ne me trompe pas, moi qui te crois très courageux, c'est pour cette raison que pour ainsi dire je ne te cache rien !

Hier au soir, je me suis emballé envers papa à ce sujet, j'ai même été un peu fort, qu'est-ce que tu veux je n'étais pas trop de son avis, il ne veut rien entendre comme objection à ce qu'il dit, à son idée il faudrait que je te cache tout, que je te dise toujours que ça va très bien, qu'il n'y a jamais d'accrocs! Moi ce n'est pas mon idée, tu sais bien ce que c'est que le commerce, et moi je suis contente quand j'ai un conseil à demander de m'adresser à toi, il me semble que cela doit te désennuyer plutôt, car en général ça ne va pas mal pour un été, le travail ne nous manque toujours pas, ce qu'il y a de bien sûr. Mais tout de même si je savais que c'est cela qui agit sur ta température, je me tairais.

Allons, je te quitte pour ce soir, je t'écrirai encore une petite lettre cette semaine afin que tu ne trouves pas le temps trop long. En attendant de te serrer sur mon cœur de plus près je t'envoie 1000 bons baisers.

Ta Cisine, ta femme qui est toute à toi, 





* Il existait depuis les années 1900 une longue tradition chevaline à Vertou, avec des courses réputées, il n'est pas étonnant d'y trouver en 1925, ce maquignon nommé Leroux ! 


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