dimanche 3 décembre 2023

Il faut vendre Fleurette



 Buzenval 4 juillet 1925.

Ma petite femme chérie.

J'ai reçu ta lettre hier tantôt en même temps qu'une lettre de Germaine et je venais précisément de mettre une carte pour aller à la boîte.

Je t'écris dès aujourd'hui pour te parler de Fleurette, car tu me dis que tu n'as pas l'intention de téléphoner à Monsieur Leroux pour la foire, tu n'as sans doute pas réfléchi que cela te repoussait à jeudi matin. Or, habituellement, Monsieur Leroux n'a pas ce qu'il faut chez lui, cela demande plusieurs jours pour nous trouver ce qu'il faut. Par conséquent, tu seras parti pour me voir, et tu laisseras ainsi Bageot embêté avec deux chevaux seulement, car ce serait un hasard que Monsieur Leroux fasse le nécessaire du jeudi au samedi. D'un autre côté il ne faut pas te mettre dans la tête que tu vendras fleurette 5000 Fr. Si tu peux trouver, tant mieux mais il ne faudra pas être intraitable pour cela. Si tu le ramènes pour la garder encore un mois, vous aurez d'abord perdu une journée pour rien, fait des frais de ville, ensuite j'aurais peur que les clients soient mécontents, car lorsque la jument fait sa sotte, c'est du temps de perdu, et le client pourrait se figurer que tu le fais payer le même prix. C'est de la perte de temps et d'argent aussi pour nous, car si elle met deux heures pour faire un travail, alors qu'il n'en faut qu'une, ce n'est pas de l'avance. Par conséquent pour toutes ces raisons il faut s'en débarrasser, d'ailleurs c'est le moment où le travail donne à la campagne, et plus ça ira, moins ils seront chers. 


Vends là le plus cher possible, mais vends là, sans aller toutefois au-dessous de 4500 Fr.. Si on te demande pourquoi tu la vends, tu n'auras qu'à dire que tu achètes une camionnette. Il est plus que probable que Babin ira à la foire, tu n'as qu'à lui dire qu'il pousse à la roue, car il connaît beaucoup de monde.

Au reçu de ma lettre, téléphone donc à Monsieur Leroux pour qu'il te trouve ce qu'il faut avant samedi.

J'espère que tu me comprendras et que tu feras ce qu'il faut.

Aubinais a trouvé que c'était cher pour ses wagons, c'est bien embêtant mais ne pouvons tout de même pas travailler pour la peau. Pour un commerçant, ce n'est pas tout à fait cela, mais il a toujours été ainsi...

Tu peux toujours lui proposer de travailler à huit francs de l'heure. Tu dis avoir vu Denaud, et il veux bien augmenter les prix, tant mieux, mais il faut monter aussi la braisette, que Fuselle n'oublie pas de prévenir Madame Heaudeau et Madame David sa voisine dans la tournée du Port Launay, ainsi que celle qui a remplacé Viaud le menuisier dans la rue d'aval. Ce sont tous de bons clients, et ils ne seraient pas content si on ne les prévenait pas de la hausse.

Ici pas grand-chose de neuf j'ai reçu la visite de Joseph jeudi dernier, toujours très gentil, il reviendra la semaine prochaine il m'apportera 250 Fr. pour payer ma quinzaine, tu lui rembourseras quand tu viendras.

Ton inventaire n'est pas mauvais, je crois, il n'y a pas beaucoup de bénéfices mais en ce mois d'été il ne faut pas se montrer exigeant. Est-ce que vous avez rentré le charbon que Lechat et Denaud nous devaient ?

Le docteur vient de passer, hier il n'avait pas pû me voir car il était trop tard. Nous avons parlé de la température et il a dit que si elle continuait , il allait me mettre au lit. Il trouve cependant drôle que j'en ai autant car il dit que ce n'est pas proportionnée aux signes de la lésion. Elle ne tardera peut-être pas à baisser. 

Je ne t'en ai pas davantage, car il est prêt de midi. À bientôt le bonheur de te voir. En attendant je t'envoie 1000 bons baisers. Ton mari qui t'aime trop ! 

Raymond



Mathieu d'Arras

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