vendredi 15 décembre 2023

20 juillet, le cafard !

 







Buzenval 20 juillet 1925

Ma très chère petite femme

J'ai reçu ta lettre samedi tantôt alors que je descendais de ma chambre avec Joseph. Nous avons quand même bien ri de ta mésaventure, il faut croire en effet que tu n'avais pas assez dormi de Paris à Nantes pour ne pouvoir rester éveillé pendant une demi-heure. Enfin cela ne s'est pas trop mal terminé quand même.


Malheureusement pendant que nous vivions si tranquilles durant ces quatre jours, ma pauvre petite Raymonde n'allait pas bien, je crois que Marie, en effet devait être dans les transes, surtout qu'elle n'aura pas voulu nous inquiéter ici. Il faut espérer que nous pourrons lui rendre cela plus tard. Ainsi que je te l'ai dit sur ma dernière lettre, je n'ai pas fatigué pendant ces quatre jours de bonheur. Ce qu'ils ont passé vite tout de même, ces quelques jours, trop vite à mon gré, ils m'ont fait souhaiter proche le jour où enfin je pourrais rester définitivement auprès de toi. Quand viendra-t-il ce jour tant désiré, dans un an, deux ans peut-être. Enfin pourvu que Dieu me conserve à toi et à mes enfants, c'est encore le principal, et s'il faut souffrir d'ici là loin de l'autre, ayons en le courage. 

C'est parfois bien dur, j'en ai eu la preuve hier soir, car j'ai eu une heure de cafard comme jamais je n'en avais eu. 

Je m'étais installé à ma fenêtre, et est-ce le fait de voir(  c'était hier dimanche) les autres malades recevoir leurs femme ou mari, cela m'a pris subitement sans que je puisse me retenir. Le cafard ne dure pas bien longtemps chez moi, néanmoins j'ai été triste toute la soirée. Ce matin il n'en paraît plus heureusement. 

N'empêche que hier soir j'avais 38°5, alors que la veille je n'en avais que 38°1.

J'espère ma chère Cicine, que tu ne te formalisera pas pour ce détail, car je t'assure que cela m'arrive très rarement. Je vais 

plutôt maintenant recommencer à compter les jours d'ici la mi août, et ainsi le temps passera plus vite. J'espère que d'ici là il y aura amélioration dans la température et dans le poids. Je continue toujours mon lait et l'œuf.

Joseph t'offre la maison au cas ou tu voudrais revenir un jour à la mi août. Le beau-père couchant à la maison il irait même te chercher à la gare. Tu feras comme tu voudras. Sais-tu combien l'homme du bureau de tabac m'a pris pour te conduire à la gare de Saint-Cloud : huit Francs! Si je pouvais savoir à quelle heure tu arriverais à Saint-Cloud, à deux trains prêt, je pourrais aller te chercher! Enfin nous reparlerons de tout cela. 

Je crois que nous ne serons pas mieux servi par Bernard que par Gendoux si ça continue. Il ne faut pas craindre de réclamer et de lui dire que son bois n'est pas bon. De même pour la corde de bûches, surtout que tu as sa lettre la promettant à 80 Fr..

Machinalement j'ai lu devant Joseph le passage de ta lettre relatif à tonton. Il a dit qu'il avait du culot de réclamer d'abord, et d'accepter que tu le payes immédiatement. Tu ferais peut-être pas mal de lui renvoyer quelques mots.

Tu m'as donné 1150 Fr, y comprit l'argent de Joseph, et il me reste donc 900 Fr. Je te dirai en temps voulu ce qu'il faudra m'envoyer.

Tu voudras bien m'envoyer les "veillée des chaumières" si tu peux.

Envoie-moi donc, si tu peux aussi, toutes les notices concernant les sanatoriums auquels nous avons écrit. Plusieurs personnes m'ont déjà demandé des renseignements à ce sujet.

Ma chère petite Cicine, je te laisse pour aujourd'hui, espérant que cette lettre vous trouve tous en bonne santé.

Ton petit mari qui est tout entier à toi et pour toujours.

Raymond.





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