mercredi 6 décembre 2023

7 juillet , la prière des anges.

 






Buzenval 7 juillet 1925

Ma bien chère petite femme

J'ai reçu ta première lettre daté de dimanche ce matin, et ne voyant pas de dépêche de la journée, je me suis dit que j'aurai peut-être une lettre ce soir, en effet lorsque je suis descendu à 6h on me l'a donné.

Vous avez réussi à faire affaire, tant mieux, je n'en suis pas fâché pour toi car vous auriez eu des ennuis avec Fleurette. En somme, la couleur n'a guère changé. C'est un peu cher bien sûr mais il fallait s'y attendre et ça ne m'étonne pas. D'après la description que tu m'en a faite elle serait de la force à Marquise, peut-être plus membrée .Elle manquerait un peu du derrière, avec un peu de graisse ça la refera peut-être. Leroux n'a pas fait de difficulté? 

Enfin ce n'est pas la peine que je te fasse des questions, tu me répondras de vive voix dans quelques jours. Henri doit être content d'être débarrassé.


Ma chère Cicine, le commencement de ta première lettre m'a un peu chagriné. Tu ne t'étais jamais plainte, du moins tu n'avais jamais voulu me dire que tu avais ainsi le cafard le dimanche. Je sais bien, ma chère petite femme que la séparation est très dure, surtout lorsque l'on a toujours été ensemble comme à la *Portaizerie, c'est un brusque changement de vie. On souhaiterait dans ces moments-là avoir moins d'affection, d'amour l'un pour l'autre, car si l'on était indifférent, la peine serait moins grande


Alors sois courageuse ma chère petite femme, lorsque tu es comme ça, prie un peu, la prière réconforte, j'en ai déjà fait l'expérience.

Je voudrais aussi que tu sortes un peu le dimanche tantôt quand tu es libre que tu montes un peu chez toi *, cela te changerait un peu les idées quoi que ton père ne soit pas toujours d'accord avec toi ; il faut le laisser dire et penser ce qu'il faut, cela ne t'empêchera pas de faire comme tu voudras. Je finirai cette lettre après déjeuner car la cloche sonne.

J'ai reçu hier une lettre de Tante Bretéché, je ne lui avais pas encore rendu réponse à sa première lettre, aussi lui ai-je répondu aussitôt. Elle m'a parlé de Lucie et de la grand-mère, il paraît que ça ne marche pas du tout. Enfin nous parlerons de tout cela dimanche. Ce qu'on va en avoir à se raconter, pourvu que n'oublie rien! Il est vrai que tant que Joseph et Marie seront là on ne pourra pas se dire grand-chose mais on se rattrapera lorsqu'il seront partis. J'en ai déjà parlé au docteur fils, et j'avertirai le père vendredi en les payant.

Je fais toujours de la température avec des hauts et des bas, dimanche 38° hier 38°4, aujourd'hui 38°5. Mais ne va pas croire que c'est parce que je me fais du chagrin ou bien les ennuis du commerce. Non détrompe toi, le chagrin, j'en ai pris le dessus et je vis sur l'espoir de ta visite prochaine. Mais surtout n'écoute pas ton père lorsqu'il te dit de ne rien me dire. Je t'assure que je serais beaucoup plus inquiet si tu ne me disais rien, et de cette façon je suis moins seul.

Je te l'ai déjà dit, ta vie en ce moment est la mienne, car je ne suis pas ici, je suis à Couéron, mais je ne m'en fais pas au point de me donner de la fièvre. Je ne te cache rien, puisque je te dis ma température, et je ne voudrais pas que tu me caches quelque chose, quoi que j'ai très confiance en toi! 

En attendant de t'avoir à moi seul, je t'embrasse sur ton joli petit nez.

Ton mari qui sera bientôt aux anges. 

Raymond




*Maman m'a bien montré, un jour de sortie à Couëron, où se trouvait, à la portaizerie, pas loin de la gare de Couëron, l'endroit où, son père commençant à être malade, avait vécu pendant quelques mois avec sa famille, pour être un peu plus au grand air, à la campagne !

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